lundi 10 mai 2010

Valse blanche

Un soupçon de lumière montait des frondaisons vers le ciel noir ; il en flottait dans les branchages, percée de feuilles. Les déchirures de l'ombre, contre les troncs, faisaient des tâches de mousses et de lichens. Et les racines, au sol, paressaient. Mon regard, suspendu à mi-parcours, plongeait dans le trouble du soir ; mes paupières brassaient, en clignant, des rêves sans maîtres et vieillis. Il y avait, dans ce bois, l'inquiétante présence des choses qui ne se résignent pas à disparaître. En haut d'une roche pointait un rameau mort, comme un doigt tendu vers la lune qu'on ne distinguait pas. J'aimais poser ma tête contre le doux herbage au pied des chênes, quand ma jeunesse brillait encore ; mais c'était un autre temps. Des mots s'étaient envolés avec cette blancheur en perle, sur les feuilles, qui s'envole. Je regarde monter tous ces souvenirs dans des profondeurs d'étoiles. Un reste de piano s'accroche, qui laisse tomber trois notes avant de repartir.
Mon enfance rejoint d'autres cieux.
Le bois respire à petits coups, veillant dans son sommeil à laisser de la place à d'autres - aux voyageurs bercés de branches et de clarté, dont les visages rayonnent. Parfois, sans doute, une envolée de vert vient troubler le voile laiteux qui flotte sur les arbres, mais ce n'est qu'un soupir.

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