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vendredi 12 mars 2010

Au pays des

Boum-boum-boum. Des saccades, du bruit, tapissent un fond de cave quelconque. Des passantes penchées et craintives contournent le lieu. Je fume un énième cigare sur le seuil voilé d'ombre d'une baraque en ruines ; et mon existence s'échevèle, translucide, auprès des grands lampadaires blafards.

Je vois des cubes montés les uns sur les autres, où percent des fenêtres, où personne ne se penche. Comme un décor, carton, pâte, pierre, éboulés par endroits, s'épaulent ailleurs. Des pans de murs penchent, que l'œil veut redresser. Mais il faut croire qu'il existe encore, dans ce bordel, quelque chose d'architectural, de voulu. Il faut croire que quelqu'un a dessiné ces lignes, et puis la succession de tuiles qui cavalent là-bas, en troupeaux grossiers. Sinon, il se pourrait bien que cette ville ne soit qu'une gigantesque farce.
Un essai, défiguré, relégué au placard des ratures.

Je me sens esquissée.

Des voix appellent, en bas, dans la cave. Échos vagues, dont les marées d'alcool perdent leur force hors des ghettos. Déjà, sur le pas de la porte, leurs embruns sales disparaissent, non pas lavés par le froid, mais ralentis, puis arrêtés. Ils tombent au pied du veilleur.
Je tords mon cigare contre la brise, cherchant à préserver une futilité parmi d'autres futilités - une flamme contre la brise.
Ma tête, heurtée contre un trottoir l'un de ces soirs identiques, me fait mal, tourne à droite et à gauche pour fixer ses yeux mouillés sur l'ombre d'un immeuble, ou l'éclat d'un panneau publicitaire. Je la laisse faire. Mes jambes, aussi, tremblent un peu.
Rien qu'un soupçon de dégoût qui s'ébroue.

Des bouffées hargneuses trouent le soir jaune. Fumée en boule, prête à éclore. Des pointillés parcourent le ventre mou du ciel. Quelque grand ciseau s'apprête à lacérer sa face.

Je rentre, une main ballante au côté. La tête vide, au pays des hontes de fées.

samedi 14 mars 2009

Au bord du noir

(pix: Freezorios by DaemonGFXvoid)

Le flou imposait son point de vue, l'apogée du soir était connu de tous. Sans frémir nous nous approchions des carreaux en tendant les mains, les bras, en écartant les doigts. Le Dôme entier, par nos membres déformés, tirait à lui la nuit à peine enfantée. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas fait Nuit, et nous avions besoin d'obscurité. J'avais faim, faim d'un éclair sombre, replié sur le ventre de l'Etoile. Je voyais l'écoulement noir des pleurs du couchant, les traînées sales au bout de la route, et l'heure du dîner approchant. L'odeur de l'assouvissement prochain m'enivrait déjà.

Je m'apprêtai à mordre la pulpe du rayon tardif, retenant l'extase prête à m'envahir, lorsque je m'aperçus qu'il n'était pas là. Ce n'était pas gênant, pour la Consommation. Il n'était pas utile que chaque membre du Dôme soit présent pour que le festin ait lieu. Mais mon excitation en fut diminuée, je me trouvais comme privée de mes pleines capacités. Il n'avait pu mettre en défaut mes espoirs, je l'avais tant voulu présent qu'il n'avait pu se dérober à mes injonctions silencieuses... Je murmurai la Foi, rapidement, cherchant à retrouver mon calme dans la litanie des siècles; je ne pouvais pas perdre ma concentration si près de l'épanouissement.

La Consommation approchait. Nous étions tous immobiles, plus que jamais arqués contre le rayon de la lune naissante, offrant nos chairs blanches et nues au regard de l'étendue désertique, dehors. Il fallait se dépouiller pour approcher le berceau de l'enfant nocturne.
Le Mentor, devant moi, fut parcouru d'une décharge brutale. Il ne laissa échapper aucun gémissement, mais nous pouvions tous ressentir la merveilleuse douleur qu'il contenait pour nous. C'était à lui que nous devions de pouvoir jouir de la Nuit, c'était lui qui protégeait la communauté, lui offrant un plaisir pur et sans déchets.
Mes dents hissèrent leur éclat d'ivoire par-dessus mes lèvres rouges, luisantes. Il n'était toujours pas là. Il devait être là, comme nous tous il avait besoin de Consommer. Je sentais l'angoisse me tordre le ventre. C'était trop proche, trop près, et j'étais toujours en manque de lui.

La trompette jeta sa note criarde, les incantations vibrèrent dans les milliers de bouches ouvertes, difformes, offertes au mets éternel du ciel. La porte, derrière, chancela et s'ouvrit, non pas tournant sur ses gonds, mais comme libérée du châssis de bois noir, et mue de sa propre volonté. Le son de l'Appel persistait, mais je ne l'entendais plus. Il était là, le dos voûté, les yeux baissés, occupant l'espace des visions, immense et dépassant sa taille humaine. Les autres membres Savouraient déjà, mais je m'étais détournée, m'éloignant malgré moi de la divine offrande que goûtaient mes frères.

Non, à cet instant, il n'y avait plus, dans le sein énorme du Dôme, balafré de longues colonnes de marbre, torturé de pointes de fer sombre et de visages d'onyx, que cet homme au regard clair, presque blanc, qui gardait la tête baissée, et offrait à mes regards ses cheveux noirs, moirés de blanc, son cou d'albâtre, ses épaules puissantes. Je ne bougeais plus, mais déjà je ne pouvais plus prendre part au Dîner. Il était trop tard pour moi. Les autres restaient impassibles. Je savais qu'ils ne pouvait rien voir d'autre que cette communion avec l'astre noir, que cette incarnation dans la nuit débutée. L'Extase durerait quelques minutes, pendant lesquelles je serais exclue du Corps, particule parmi l'infinité à ne pas me Rassasier.
Mais il me donnait ma nourriture. Ma volonté, en moi, se redressa, comme sous l'effet d'une dévoration brutale, mais ce n'était pas ça. C'était la courbe de cet homme, le décalage qu'il instaurait dans la structure des choses, dans l'architecture du monde, c'était le flou dont il affligeait le réel qui m'obsédaient. Comment pouvait-il se tenir là, et survivre dans l'Entre-Deux? Qu'est-ce qui avait changé en lui? Qui était-il devenu? Je soupçonnais la vérité, mais ne la découvris que lorsqu'il leva les yeux vers moi.

Il savait où j'étais. Ses paupières translucides battirent sans peine dans ma direction et les pupilles plus noires que la nuit dont se nourrissait à présent le Corps, moi excepté, me saisirent l'âme avec violence. J'étais prisonnière. En une fraction de seconde, il fut à mon côté. Il avait banni l'espace-temps, comme on chasse un vulgaire moucheron dans la chaleur du mois sacré. C'était pour cela qu'il était différent.
Il avait amorcé la Mutation. Il n'avait plus besoin de nous, plus besoin du Dôme et de la Consommation, plus besoin d'être un parmi les autres. Il était l'Un. C'était nous qui avions besoin de lui, maintenant. C'était moi.

J'avais les larmes aux yeux à force d'user mon regard au contact de sa peau éclatante de lumière. Il prononça mon nom, soufflant les syllabes comme on prononce les sortilèges, sans force, mais avec le poids immémorial des murmures d'outre-tombe. Il prononça mon nom et s'approcha encore. Sa bouche était d'un rose parfait, sans trace des blessures de l'âge. Elle se referma sur la mienne, emprisonnant ma conscience de sa conscience supérieure. Il me domina aisément, faisant ployer mes incantations désespérées. Je cherchais autant à le repousser qu'à l'attirer plus près, plus profondément. Il dut sentir que j'étais prête à me sacrifier pour lui livrer ma Foi, que j'étais prête à nourrir sa force en embrassant l'anéantissement; il hésita un instant sur le pont enjambant mon existence et menant à l'accroissement de l'Un par la disparition du membre. Un instant, je m'étonnai que les Mutants puissent encore éprouver ces balancements de la volonté qu'on nomme faibles et qui sont moins qu'humains. Puis je fermai les yeux, dérobant à ma vue les lignes parfaites de son visage, l'ovale, impossible à regarder, de sa fulgurance sublime. Je voulus mourir en lui et me laisser déborder.

La vague s'arrêta et je ne sentis pas l'engloutissement. Sur le bord de cette blessure mortelle que je voulais qu'il m'inflige, il s'arrêta. Ce fut comme s'il se contentait d'effleurer la limite de notre altérité, la ligne menant à notre union finale, par laquelle il se serait agrandi de moi en me supprimant. Mais ce fut lui qui s'en alla. Il partit, me laissant la victime de ses tentatives d'absorption. Je ne comprenais pas. Il me rendait à moi quand je ne voulais plus rien être que lui. J'étais désemparée. Pourquoi m'épargnait-il?

Le Corps finissait de Consommer la Nuit. Personne n'avait rien vu. L'éclair de sa silhouette demeurait aux frontières de mon champ de vision, mais je ne le voyais plus. La porte gisait, ouverte. Il me sembla un instant que rien n'avait été.
Je compris.
Sous le goût de son baiser s'attardant sur mes lèvres, je reconnus l'Invitation. S'il n'avait pas achevé la destruction de mon être pour sa propre Naissance, c'était pour me montrer la voie. Sa façon à lui d'assurer mon initiation. Il me montrait que je n'avais plus besoin du Dôme, de la Consommation, plus besoin d'être une parmi les autres. Je pouvais être l'Un. Il m'offrait la Mutation.

Je l'acceptai, sachant ce qu'il devait m'en coûter. Sachant surtout qu'il me serait impossible, sans cela, de trembler à nouveau sous la caresse de son corps éclatant, sous la pression étouffante de sa présence. Impossible, sans cela, de retrouver le martèlement de mon coeur perdu entre ses lèvres entrouvertes et ma gorge brûlante.

Je m'arrachai à l'immobilité et tournai le dos à mes frères. Au passage de l'Entre-deux je sentis à peine mon âme se tordre de douleur.
Et disparaître.

dimanche 28 septembre 2008

Empathie


Léa s'arrête un instant et reprend son souffle, accoudée à la marge de pierre du Pont Neuf. Cela fait longtemps que la nuit est venue couvrir les reliefs parisiens d'ombre et de lumière. La Seine est si discrète qu'on en oublierait presque qu'elle vit, là, sous nos pieds. Son miroir noir semble immobile et endormi.

Elle a marché presque deux heures, dans la chaleur agréable du soir. C'était ça ou s'enfermer, une fois de plus, dans sa chambre, à se rouiller les yeux sur les pages d'un mauvais roman ou à s'assoupir devant un film médiocre. Le sac à main et l'appareil photo, attendant sur la chaise dans l'entrée, l'ont décidée. Elle s'est fait la belle.

Alors qu'elle médite, entre raisonnements et divagations, elle regarde les gens. C'est ce qu'elle sait le mieux faire. C'est ce qu'elle aime le plus faire. Elle voit des couples, des groupes, des solitaires. La nuit tombée ils se ressemblent souvent, un peu voûtés dans leurs cols de vestes, même s'il ne fait pas froid. Leur passage laisse des traces floues sur ses rétines fatiguées; des colonies sans fin de silhouettes noires, éthérées, dont les pas résonnent sec sur le pavé de ce cher Paris...
Et pourtant la vie déborde de ces spectacles nocturnes où les hommes deviennent des spectres, où les rues deviennent des corridors sombres, où le ciel devient une voûte de cathédrale.

Léa sait qu'elle ne devrait pas faire ça, parce que ça fait trop mal. Mais elle s'attache à ces ombres qui passent sans la regarder. Elle croit pouvoir connaître ces hommes et ces femmes mieux qu'ils ne se connaissent eux-mêmes.
Il y a ce qui saute aux yeux de tous: les couples malheureux, les amis fâchés, les fêtards déjà bien imbibés. Ce sont là des éclats, des violences pour l'oeil et l'oreille qui s'enfoncent dans la molle douceur des nuits d'été.
Mais Léa voit bien d'autres choses. Elle voit cette fille, là-bas, attendre ce garçon, là-bas. Elle sent que c'est un espoir vain, et cela la rend triste. Elle voit des gens qui parlent, apparemment de bon coeur; mais elle voit aussi qu'ils ne s'écoutent pas. Elle voit tant de personnes faire les mêmes gestes, se tapoter gentiment l'épaule, se donner la main, s'enlacer, s'embrasser, se repousser, sans que jamais ces personnes ne leur donnent le même sens.

Léa voit la solitude un peu partout, s'insinuant entre les âmes. Pas vicieuse où dissimulée. Simplement présente, pour la seule raison qu'il ne peut en être autrement. Tout ce qui filtre, sur ces visages, ce sont des espoirs, des attentes ou des refus qui colorent l'air tiède de sentiments sans nombre, incapables de se déclarer, incapables de s'exprimer.
C'est cela que cherche Léa, le soir, quand elle s'en va errer au hasard dans la ville de ses rêves, l'appareil photo à la main. Elle est persuadée que, lorsque le marchand de sable endort les enfants dans leurs lits, dehors s'épanouissent nos émotions, avec quelque chose de sublime et d'incomparable. Mais pour les respirer, c'est vers le ciel de Paris qu'il faut lever la tête. Là, le promeneur attentif verra des volutes, des arabesques, des tourbillons d'amour, de joie, de tristesse, chambouler le décor parisien, subtilement, délicatement... Il verra suinter et s'envoler le non-dit ou le sous-entendu qui sont les isolants de nos consciences.

Léa ne peut plus résister à l'appel de ce spectacle. Chaque soir, c'est comme si elle allait voir son aurore boréale. Elle est là au milieu de la foule, à se nourrir d'un fluide qu'elle ne sait nommer, qu'elle appelle le "goût de la nuit". Parfois elle tente de le saisir entre ses mots et sa plume mal assurée. Elle n'y arrive pas. Seule la photographie peut la combler. Tous les soirs, elle mitraille les mêmes endroits, les mêmes gens, sans pouvoir s'arrêter. Elle se drogue à ces vies qu'elle connaît par empathie...
qu'elle envie?

Pas une seule photo d'elle, dans son vieux Paris. Pas une seule photo d'elle et de sa solitude.

(pix: deviantart, PhilipLim)

vendredi 26 septembre 2008

Dégoût


Paul renversa la pile d'ouvrages en équilibre sur le coin du bureau. Les manuscrits, les couvertures déchirées et les pages cornées s'évanouirent un instant puis se rappelèrent violemment à la réalité dans un boucan épouvantable. Ca faisait du bien. Le gamin lorgna avec envie sur le vase tout proche, grossièrement teinté de bleu, et dans lequel songeaient, paisibles, des marguerites desséchées. La main s'approcha, vicieuse, sans faire de bruit. Les doigts se saisirent de l'objet innocemment rêveur.
Des éclats de verre vinrent rejoindre le brouhaha de papier qui couvrait le parquet.

Paul se tourna vers la fenêtre entrebaillée. Il étouffait dans cette chambre, comme si la moindre molécule d'oxygène avait fui l'espace de ces quatres murs que baignait la clarté fade du couchant. Le ventre rond du ciel était percé en maints endroits par les tours de béton découpées à l'horizon. Le paysage était insupportablement indifférent, identique, froid. Paul sentait qu'il n'en pouvait plus de cette immobilité. Il était au bord de l'abandon. Il savait qu'il finirait par appartenir à part entière à ce territoire insensible où les gens s'ignoraient, où les vies s'ignoraient, où la vie s'ignorait.

Des lignes blanches de vapeur suivaient, flageolantes, de vieux vaisseaux rafistolé à la va-vite. Pas une tête humaine ne se mouvait en bas, sur les trottoirs gris.

Paul serra plus fort la lettre, dans sa main. Le certificat de décès l'informait que l'enterrement de son père serait entièrement aux frais du gouvernement de la ville. La netteté des phrases, leur tranchant pathétique avait achevé de le bouleverser. Il se sentait dans une rage monstre, comme si toutes ces conventions administratives, qui refusaient de pénétrer, du moins officiellement, son intimité, n'en devenaient par là que plus indiscrètes et répugnantes. D'un geste ample et rapide du bras, il vint prendre l'oreiller de plastique vautré sur la chaise, derrière lui. Le rectangle de tissu jaune, imperturbable, poursuivit son vol plané au travers de l'ouverture, et se mit à filer, sans hâte, vers le bitume. Paul espéra un instant qu'il heurterait un convoi officiel, un bâtiment de nettoyage des rues, ou même un simple aérospace de tourisme.
Cela, au moins, aurait signifié quelque chose. Cela aurait voulu dire que lui, Paul, aurait pu, ne serait-ce qu'une fois dans cette journée, créer, décider, agir... Changer ce cours immuable des choses, braquer le gouvernail vers la tempête adorable qui nimbait de vagues, au loin, la promesse d'une rédemption.

L'oreiller se laissa glisser, indolent, jusqu'au sol, sans rencontrer d'obstacle. L'impact produisit un léger bruit.

Écoeuré, Paul en voulut à la gravité.

(pix. by 0837 deviant)

mardi 24 juin 2008

Soirée dansante


La valse de nos vies m'a fait tourné la tête. Trop tôt. Quand je n'aurais pas dû. La chaleur du bal, les crinolines qui se heurtent violemment, les violons qui percent l'atmosphère brume des lustres. Un repos dans la mélodie tournante, j'ai regardé la foule qui s'animait. La beauté du spectacle sautait aux yeux, elle arrachait les regards, dérobant ceux qui refusaient de se prêter au jeu. Tout cela était brutal, aérien, égoïste. La grande salle semblait un éden sur terre, les femmes dans leurs parures des fées revenues accomplir des merveilles dans un monde où les voeux ne réalisent jamais. Mais ce paradis restait clos. C'était une hideuse façade.

Je m'appuyai sur le buffet surchargé de plats. Ton odeur flottait dans l'embrasure des fenêtres. Elle me serrait la gorge. La musique toujours emportée refusait à mes tympans un instant de répit. Je faillis me sentir mal. On m'offrit un bras pour m'emmener sur la terrasse bondée de monde.

Le parc rougeoyait de milliers de lucioles. Les fontaines pleuraient rageusement. Le clair de lune se faisait attendre. Il semblait fuir ce lieu de débauche comme mon coeur fuyait les éclats des miroirs, les flammes des chandelles où ton nom était reflété impitoyablement. Trop de souvenirs me bousculaient, je me sentais étouffer de l'intérieur. Je pressais tout contre moi le carré d'étoffe qui t'avait appartenu. En vérité j'aurais voulu le jeter du haut de la balustrade. Je l'aurais vu échouer en vague découpée par les ombres nocturnes sur les graviers, bien plus bas. Ton cadavre désarticulé, fantasme de mon esprit, déjà, tapissait la vallée emplie de larmes.

Je regardai mes mains. Elles étaient marbrées de coups. Personne ne semblant s'en être rendu compte, je cessai d'admirer les blessures dont mon imagination me couvrait perpétuellement. On m'avait dit qu'il fallait que je me soigne. Je n'avais pas essayé; j'aimais trop cette douleur qui venait de toi.

Comme les lieux communs en amour abondent dans notre vocabulaire! Je cherchai la phrase. Mon carcan de frustration était horrible. La couronne de mots sous laquelle ma tête ployait était d'épines, et je la désirais ardemment. Rien n'arrivait à être comme il aurait dû. Depuis trop de jours je voulais sans pouvoir poser les premières lettres en haut à gauche, sur la page blanche qui avait bruni sous le poids du temps.

Toujours des mots et des notes. Une haine baignait mes lèvres que je refusais d'ouvrir, pourtant. Cela n'aurait servi à rien. Il me fallait l'oubli, il me fallait le repos éternel des inconscients heureux d'eux-mêmes sans savoir qui ils sont, il me fallait la douce euphorie d'une drogue vitale, l'absence à soi.

J'étais ivre de mots, ivre d'une fatalité que j'aimais parce qu'elle me faisait mal. Parce qu'elle provoquait en moi un chant bien plus déchirant que celui que les musiciens tiraient toujours de leurs violons, au milieu des danseurs. Mon âme englobait en un instant l'orbite entière de tout ce qui fut un jour; je savais tout, j'habitais la désillusion. Et ce n'était pas cet apogée où se pâment les sages, c'était un trou banal et terrible dans son infirmité. Terrible dans son inachèvement.

Nous rêvons trop d'infini, songeai-je. Nous aimons une perfection qui n'existe pas car la seule qu'il nous soit jamais donnée de contempler est celle de notre imperfection.

La belle solitude que je vivais au milieu de la foule m'était un cadeau maudit. J'agrippai la rambarde de pierre à m'y écorcher les doigts. Je ne sentais plus rien. Ce qui, lourd, occupait mon être, plongeait dans un enfer inconnu, et le reste s'effaçait de lui-même, trop léger pour peser dans cette réalité.

Sur mes mains, les marbrures des coups disparurent. La couleur de ma peau fut lavée. Je sus que je disparaissais lorsqu'un gant de femme, élégant, passa au travers de moi pour venir mourir, percé par les haies d'aubépines, plus bas.

Je le suivis.

vendredi 11 avril 2008

Scènes de la vie nocturne: Sayïn


Sayïn marche dans la rue, sous les érables détrempés. Un coup d'oeil à droite. Pas une voiture sur la route. Un chat noir qui traverse à côté de lui. Toute élégance. Le félin saute sur le muret du Commissariat. Son pelage d'ombre s'argente sous la lune. Zébré. Ses yeux luisent, comme le métal d'une lame qu'on a frotté trop longtemps et qui trépigne de servir. Baptême du sang. Les gyrophares, au loin. Les hurlements d'un garce, l'hypocrisie qui ricane devant la galère du monde.

Il se plaque contre le mur. A l'abri de la prison, tout est calme. On a laissé la liberté dehors; elle ne gêne plus. On n'est plus serré aux coudes. Même plus besoin de bouger les bras. Même plus envie.

La sirène s'éloigne, gobée par l'obscurité poisseuse. Nuit d'orage. Sayïn lève la tête, sent les gouttes qui approchent. Comme une promesse. Laver toute cette crasse.

Un pas devant l'autre. Il quitte en boitant la muraille sombre et les barreaux, aux fenêtres, rayent la nuit comme un pyjama. Si le monde entier pouvait dormir comme un enfant, suçant son pouce... Il n'aurait pas les yeux ouverts en permanence, à regarder le naufrage.

Crissement. La langue sèche des pneus râpe le bitume mouillé. Coup de pédale, coup de volant. Précision, comme un tir de fléchette. Les phares sont éteints; règle du jeu oblige. Sayïn se retourne trop tard, mais il sait déjà. Une vague d'obscurité qui le broie. Soupir. Stop.


dimanche 23 mars 2008

Scènes de la vie nocturne: Esther


Esther referma le livre et le posa sur le banc de pierre. La nuit, opaque, comme si la lueur diffuse de la lune l’engluait, rendait terne sa couverture; mais, en temps ordinaire, le volume, qu'elle trimbalait partout, flamboyait dans sa jaquette rouge où se découpaient, en lettres d'or, comme le sceau d'un Pharaon dont plus personne ne pouvait lire le nom, un titre qui la faisait rêver : Enchantements vermeils.

Elle n'avait pas résisté. Encore une fois, elle n'avait pas su. Elle avait laissé ses yeux glisser, s’enfoncer dans la matière molle des pages, sans s’accrocher au papier abîmé. Elle avait plongé dans cette aventure qui n’était pas la sienne et laissé les heures nocturnes siffler autour d’elle, sans la toucher.

Mais cela n'avait pas grande importance. Ce qui était important, c'était qu'en ce moment, quelque part dans un pays moyenâgeux, plein de preux chevaliers et de demoiselles maléfiques, William, son cher William, avait succombé à ses fantômes. Qu'il avait tué la fille de l'Ombre. Que le royaume était en péril. Que les forces magiques du vieil Enchanteur se tarissaient.
Heureusement qu'elle n'en n'était qu'à la partie II, et que par conséquent l’auteur avait, d'ici la fin du livre, bien le temps d'arranger ça.

Esther se surprenait parfois à traiter avec cynisme ce qu'elle croyait pourtant aimer le plus. A jouir de cette distance qu’elle mettait entre le monde et elle, et qui la faisait regarder avec mépris ceux qui se baignaient dans leur quotidien, leur misérable quotidien, avec tant de béatitude. Tant de naïveté. Avec cet air de contentement benoît qui refusait toute complexité, toute nuance.

Admirant le ciel étoilé, partiellement voilé par des brumes qui filaient à toute vitesse au dessus de sa tête, comme apeurées par la colère d'Eole, la gamine, peignant ses cheveux noirs, se trouvait des airs de grande personne. Elle savait tout des mécanismes qui cliquetaient, comme les engrenages multiples d’une ancienne montre, derrière les lignes imprimées que ses yeux parcouraient avidement. Qu'il suffisait qu'on fasse mourir deux ou trois personnages. Que la découverte d'un maléfice ancien ou l'aide des êtres sacrés qui peuplaient les forêts de son roman, ou encore une bataille menée par un général à la probité et au courage exemplaire suffirait pour sauver son héros, pour sauver William, pour tout remettre en ordre.
Mais en même temps qu’elle en était consciente, elle s’en émerveillait. Elle admirait ce pouvoir de la plume, ce grand jaillissement, cet envoûtement de la lecture qui était bien plus magique que tout ce que les personnages des vieux romans de fantasy qu’elle aimait pourraient jamais produire.

Esther se laissait bercer par ses pensées, fermant les yeux. Elle sentait remuer en elle comme une bête endormie mais habitée de songes profonds et terrifiants, qui soulevaient un murmure intemporel, un souffle de création; ce râle divin ferait jaillir des mondes, maintenant que tout l’espace, qui se présentait à ses yeux par ces clignotements blancs sans nombre sur le ciel noir, n’était plus qu’une immense ville, domestiquée, aux avenues soignées et nettes comme un plat de vaisselle propre. Maintenant qu’il était non plus une infinité mystérieuse qui charmait l’œil au coucher du soleil, mais le reflet de milliards d’autres êtres, inutiles, qui supportaient de vivre chaque jour en exil, sur une autre terre, sans même parfois savoir ce qu’ils supportaient. Sans savoir qu’ils souffraient. Peut être était-ce mieux ainsi.

Esther était restée sur Terre. Cette Terre qu’elle sentait encore parfois palpitante, dans ces arbres centenaires aux barbes blanches, dans ces courants d’air malicieux venus de siècles passés, dans ces silences où respirait une solitude éternelle.

Cette nuit-là était une de ces nuits où son âme d’enfant, qu’elle sentait lui échapper de plus en plus, s’accordait à son désespoir grisant, à sa nostalgie perpétuelle.
Elle se tenait assise, en tailleur, sur le banc de pierre écorché par les intempéries des ans. Ses mains d’une blancheur extrême reposaient sur ses genoux, ses doigts remuaient lentement. Elle les posa, soudain, sur la roche ridée. Elle sentit naître en elle des tempêtes où d’anciennes malédictions faisaient bouillonner la mer.

Sa voix, grave, rayée, se mêla aux chuintements du vent : « Il y a bien longtemps que cette histoire ne fut contée, mon enfant, car il est des oreilles et des yeux incapables d’entendre et de voir ce qui nous dépasse tous. Les hommes sont petits et s’agitent inlassablement. Ils ne pensent pas à mal. Mais ils ne pensent pas non plus à ce qui importe vraiment. ».

Esther ouvrit les yeux, laissant les échos de ces mots s’éteindre dans l’herbe. Malgré elle, elle convoquait à la surface de sa conscience des milliers d’histoire, réelles ou fausses, fantasmées ou entendues, qui la traversait sans avoir d’égard pour elle. Du haut de ses dix ans, son sourire, vaste comme la voûte sombre qui la surplombait, la rendait immortelle et sans âge. Un sourire où se fondaient sans distinction des merveilles et des horreurs sans nombre, éternelles par cette magie dont elles étaient illuminées.

Alors, s’abandonnant au flux qui l’envahit violemment maintenant, Esther parle à nouveau. Au fond, sur la crête des arbres, s’apprête une aurore. Si prévisible. Si semblable à celle de la veille. Si pareille à celle qui viendra bientôt tirer de leur sommeil artificiel tant de corps dans tant de lits identiques, recroquevillés sur eux-mêmes comme si seule la nuit les rendaient à leur condition véritable, en soufflant leur ignorance orgueilleuse.

Mais la nuit, rebelle, comme elle, veille encore. La litanie des mots qui sortent des lèvres d’Esther, et qui un temps s’était affaiblie, jaillit plus fort. « Et l’on raconte que ce banc de pierre, où désormais les gens reposent leur ennuis, fut autrefois, à l’aube des temps heureux, lieu de cérémonies grandioses tenues par les grandes prêtresses de l’Ordre. Ici furent invoquées les puissances qui président au présent, au passé, au futur, les êtres inconsistants qui portent en eux la vérité de toute chose et qui verront périr, uns à uns, toutes ces têtes d’hommes ».

Une bourrasque de vent fait tomber le livre à terre ; la chevelure noire, immense, de la fillette, semble battre des ailes, prête à s’envoler. Esther, brusquement, se redresse, emportée par les mots qu’elle crie maintenant debout, vers cet horizon encore sombre, qui résiste à la poussée de la lumière et de la monotonie. « Et il est temps de relever les colonnes brisées et les temps ravagés. Ravagés par l’ennui des serviteurs qui n’ont pas conservé leur foi jurée. Ravagés par l’incohérence d’êtres incapables de chercher aussi bien leur malheur que leur bonheur dans leurs errements sans nombre. Il est temps de voir renaître, dans les bois éternels, les danses de Luthien et les exploits glorieux, temps d’être la main qui brandit l’épée, temps d’être le glaive lui-même et de fourailler dans les entrailles du monde. Temps d’écouter les lamentations guerrières des cors et de rugir avec eux. Temps de se battre sans espérer, pour l’espoir ! ».

Un bruit assourdissant éclate dans ses tympans ; une lumière aveuglante troue le ciel noir, rapide comme si la planète même crachait la foudre. Sa vision se brouille. Les larmes lui coulent des yeux. Comme si le monde éclatait de l’intérieur.
Quelques secondes où tout tournoie dans un rugissement métallique. Où tout brûle dans un incendie déchaîné. Le ciel flamboie, plus clair que le soleil lui-même. Chauffé à blanc.

Immobile, Esther sent la violence de l’aurore se mêler à ce tourbillon. Elle attend, sans comprendre. Rien qu’une immense douleur qui, sans toucher à ses membres, l’étouffe de l’intérieur.

Une éternité ? Tout s’éteint.


Devant elle, l’aurore a disparu. Comme si elle n’avait pas résisté à l’assaut. A peine brille encore un liseré lumineux tout au fond. C’est l’aube blessée qui expire.
Esther sent vibrer, à son poignet droit, son récepteur. Sa peau rouge brille faiblement ; cela doit faire des heures qu’on essaie de la contacter. Elle a déconnecté son lien à l’infosphère. Mais la douceur profonde de la nuit qu’elle espérait goûter, la caresse du vent, l’oubli … tout est terminé. Tout a changé.
Le paysage, devant elle, est toujours le même. Le banc, sur lequel elle s’est raidie, est le même. Le livre, à terre, aux pages ouvertes, est le même.

Mais c’est la fin d’un monde qu’on entend pulser dans les feuilles qui pleurent. Esther est rappelée à l’appel qu’elle sent picoter dans son bras, de plus en plus pressant. Elle hésite à entendre, à reconnecter... Savoir ? Mais elle sait déjà.

Pas besoin de se résoudre : le message franchit toutes les barrières de son système perso. Il s’impose, destructeur, douloureux comme un supplice perpétuel. Il fuse dans toute son âme et résonne dans l’âme du monde.

WAR

Ce mot si court la traverse comme un frisson universel, celui d’une humanité qui se meurt. Un éclair blanc jaillit de sa silhouette, monte jusqu’au ciel gris sombre ; jaillit de chaque homme sur Terre ; sur cette galaxie ; dans l’univers. Jaillit de chaque fibre sensible qui respire dans le cosmos. Jaillit des milliards de cadavres qui, ailleurs, ne respirent déjà plus.


Et le monde hurle dans un unique cri.

mercredi 19 mars 2008

Scènes de la vie nocturne: William


William s'avança dans le hall du palais, sortant de l'obscurité des couloirs où ne pénétrait pas la lumière des torches. Les murs de pierre avaient l'éclat glacé d'une lame qui blesse l'oeil; leur peau grisâtre et légèrement suintante s'exhibait comme un corps malade, à peine vêtu de tapisseries poussiéreuses, suspendues là comme un manteau qu'on oublie sur une patère, et qui semblaient ne savoir qu'y faire. Toute la salle résonnait de cet éclat métallique, et au toucher la roche avait la froideur de la joue d'une morte.

Trois chandelles brûlaient encore sur la table massive, sous le lustre qui frissonnait dans sa robe de cristal. Les restes d'un repas, apparemment gargantuesque, traînaient. Il y avait dans ce lieu une présence étrange, comme si les objets eux-mêmes, délaissés provisoirement, attendaient, encore plongés dans les intrigues malsaines d'une pièce pleine de trahisons, d'amours adultères et de complots, le retour des acteurs.

Le bruit d'une cape claqua. William fit volte-face. Sur le mur, le portrait du roi Maudit le scrutait, implacable. William se sentit transpercé par ce regard translucide, au bleu profond comme le poids des siècles sous lequel s'affaissait le château tout entier. Pas une ombre sous les flambeaux crépitants. Pas un bruit de botte. Pas de lame au chant grisant, sortant la fourberie de son fourreau.

Perturbé par ce silence inquisiteur, autant que par le bruit qui l'avait troublé, William accéléra le pas, longeant les murs, évitant coupes tombées à terre et fauteuils renversés. Sur sa droite, à travers les immenses fenêtres, scintillait la lune. Elle aussi était aguicheuse. Comme tous. Comme toutes. Comme ces femmes, toutes ces femmes...

Un rire étouffé. Le bruit d'une étoffe qu'on déchire, et qui crisse de plaisir. Un baiser, dont l'écho emplit la pièce entière.

William, se retournant à nouveau, distingua, au fond, non loin de la porte qu'il avait franchie en sortant de chez l'Enchanteur, deux silhouettes qui s'agitaient dans l'ombre. Les contours en étaient flous, étouffés comme les mots d'amour que les deux amants murmuraient. Une chevelure rousse, bouclée, jaillit un instant de la pénombre, frappée par un rayon lunaire qui s'était aventuré jusqu'au renfoncement derrière les tentures noires.

William se figea. Son sang s'était glacé. S'il avait tourné la tête pour voir, dans le miroir rouillé qui cuirassait la muraille, son propre visage, il n'y aurait reconnu que celui d'un petit enfant de six ans, aux joues maculées de larmes, et dont la voix s'était cassée comme une corde de guitare, tout au fond de sa gorge. Mais s'il s'était approché davantage, peut être aurait-il reconnu, dans les yeux noirs qui l'auraient fixé, la folie sourde de l'homme qui ne peut échapper à ses fantômes. Peut-être aurait-il entr'aperçu la lame que l'enfant aurait saisie à pleine main, s'y blessant en serrant trop fort le poing.

Toutes ces femmes... Cette femme... William ferma les yeux, respirant plus fort, et l'espace d'un instant, vit le Malin penché sur lui comme l'intriguant sur le corps amaigri d'un roi qui signe son testament. Son âme trembla. Les souvenirs revenaient. Toujours les mêmes... Il s'appuyait d'une main à la paroi, les yeux toujours fermés. Il se mordit les lèvres, sentit les larmes couler entre ses cils, et serra plus fort la lame entre ses doigts.

Sur le sol s'étoila une goutte de sang.


Il tremblait toujours, et pourtant il lui semblait qu'il avait été absent pendant des heures. William rouvrit les yeux. La brise soufflait, empuantie par l'odeur d'un bûcher qui finissait de se consumer, dans la ville. La nuit était d'un noir mat, qui occultait presque les piqûres des étoiles sur le ciel par son néant oppressant. Il avait, semble-t-il, marché jusqu'au jardin. Assis sur un banc de pierre rongé par le lierre, il faisait face à une ancienne fontaine, abritant désormais des plantes et des insectes là où nageaient autrefois des poissons. Parfois, sous un éclat de lune, le bras potelé d'une déesse de pierre surgissait de ce fourmillement végétal; mais l'oeuvre humaine s'était depuis longtemps incliné devant la mère nature.

William passa la main dans ses cheveux. Il avait dormi. Combien de temps? Il s'aperçut tout à coup qu'il tenait toujours son poing droit fermé. Les phalanges de ses doigts avaient blanchi sous l'effort et sous l'effet du froid.

Il ouvrit la main. Dans le sang séché de la blessure reposait le poignard, petit et fin, à la délicatesse d'un bec de héron, et acéré comme le tranchant d'une corne. Il le posa à terre, sur le sol meuble. De sa main s'échappa un rayon rouge. Comme un grain de pollen, il vit, porté par le vent, s'élever une mèche de cheveux roux, que marquait une tache sombre de sang.