mardi 29 avril 2008

Quand les étoiles fatiguent, où vont-elle pioncer?


J'ai l'esprit qui vagabonde et y'a rien à faire, je sais pas, la laisse doit être foutue... Impossible de garder les deux pieds sur terre. J'ai des petits problèmes d'équilibre du coup; la moitié du cerveau dans le futur, et l'autre dans ce fucking présent. Ça balance pas mal à Paris...

J'ai rarement eu l'impression d'avancer si peu. Comme si j'étais scotchée dans un méga chewing, et qu'on me baladait devant des vitrines superbes, sans que je puisse rentrer dans les magasins. Sans que je sache si je vais un jour me décoller de cette glu verdâtre déjà mâchée.
Pardonnez les images, c'est tout ce qui me vient à l'esprit.

Alors, évidemment, m'embarquer dans des voyages d'immersion dans un Cosmos improbable, au milieu de Visionnaires psychopathes et dans l'antre d'un drogué du Cigare, ça n'arrange rien. On parle bien de décollement de rétine. Je souffre de décollement de conscience (??). Camarade, un tube de colle? J'adhère plus.

"Cinderella beautiful, this song is for you". En plus je me shoote au Peter Cincotti. Désolée Catherine, la désintox' ça sera pour plus tard. Au moins les addicted ont l'illusion d'avoir un piquet pour monter leur tente dans ce monde trempé. Et puis tout le monde sait que le camping et moi, ça fait 38. (Pourquoi 38? Si quelqu'un déchiffre les messages que m'envoie mon subconscient, n'hésitez pas. Mais ça sera difficile de concurrencer ma voyante!).

C'est même pas vrai, j'ai arrêté les horoscopes. C'est bien simple, il faut toujours attendre quelqu'un ou quelque chose. C'est inévitable, Prince Charming is coming. On ferait presque dans Amour, gloire et beauté.

Mais je ne suis pas encore totalement amorphe; la preuve en est que j'ai encore quelques pulsions meurtrières particulièrement raffinées. Je m'imagine tout à fait égorger le chien de mon voisin et couper une par une ses cordes vocales. Oui, je sais, c'est horrible. Si encore le chien chantait, je pourrais l'épargner. Mais il ne fait qu'aboyer... Too bad.

Il pleut, il pleut bergère. Trop facile de confondre ses rêves et la réalité. Ça faisait longtemps que je n'étais pas tombé dans ces abîmes d'intemporalité prénommés "et si"/"et quand". J'ai passé trop de temps , y'a un bail, à vivre des choses qui n'existaient même pas, dans ma p'tite bulle. Et puis, ô miracle, tout ça s'est gentiment recomposé, comme une pâte à crêpes ratée (faut déjà le faire pour rater une pâte à crêpes) dont on parvient à éliminer les grumeaux. J'ai fini par m'apercevoir que j'étais qui j'avais envie d'être. Que ma vie était celle que je voulais vivre. Well at the present time...
Tous les appareils sont retenus à terre pour cause de menace terroriste. Le groupuscule "Soyons utopistes" a pris le contrôle de la majeure partie des installations.

J'ai donc fait un magnifique post sans avoir rien à dire. Peut-on parler d'achèvement? Dans l'inachevé, alors. Et oui, parce que là, il faut que je trouve une chute. Et puis la socio m'attend... Même plus le courage d'assumer que j'ai pas le courage. Vous me suivez?

A tout les anesthésiés de la terre, bonsoir. Si vous croisez un médecin en blouse blanche dans le couloir, et qui s'est endormi sur le radiateur, secouez-le un peu. Dites lui que ses patients attendent, et qu'ils ont assez rêvé pour aujourd'hui.

lundi 28 avril 2008

Nova (2)


Omâr s’approcha alors qu'Erëin émergeait de l’Ombre. Sa figure scarifiée, aux cicatrices profondes, semblait avoir servi de défouloir aux griffes d’un guépard des sables ou d’un Mantha, mais personne n’avait jamais osé lui demandé ce qui avait marqué ainsi sa chair. Elles suffisaient du moins à asseoir son autorité de chef mieux que ne le faisait sa réputation de Chasseur cruel et sans pitié.


Dans sa main brûlait une torche vert émeraude, de la couleur des emblèmes du Nord. Sa lueur pâle, brumeuse, rendait aux conifères alentours leur beau vert d’octobre qu’ils perdaient durant la nuit. Et c’était encore la nuit, mais elle était bien plus fraîche ici, sur Néor, que dans le Désert bleu d’Etna. Erëin frissonna, regardant la troupe des Chasseurs qui s’approchait à pas furtifs, l’œil sombre, chaque homme portant au poignet un brassard vert où se détachaient en touches d’or une branche d’if cernée d’un cercle rouge.
Sentant le poids du regard d’Omâr sur son corps toujours écailleux, il se ressaisit. Le spectacle de ces forêts humides du continent septentrional de Néor, de ces peuplades de Chasseurs aux vêtements couverts de mousse à force d’avoir été exposés à la pluie, et de ces clairs de lune tremblants sur les épines des grands sapins d’Asthorne, tout cela lui rappelait trop bien le soir d’hiver où les Visionnaires avaient fait de lui l’un des leurs. Il pleuvait cette nuit-là comme aujourd’hui, mais autrefois, pas un bruit n’avait dérangé la transe des Chamans noirs pendant les six heures qu’avait duré la cérémonie, tandis que ce soir, les psalmodies des Chasseurs, près des feux détrempés, résonnaient doucement dans les collines, comme les murmures des fantômes de ceux qui avaient été massacrés dans la plaine en contrebas, il y avait bien longtemps.


Omâr saisit brutalement le poignet d’Erëin, sans égard pour le fait que celui-ci aurait pu le tuer sur place d’un seul coup de griffe.
« Pas d’imprévu ? », demanda-t-il. « Non. Beck a réussi son coup, l’Orbite a sauté ». Ravalant un ricanement qui dévoilait ses longues dents jaunes, Omâr desserra son étreinte. Il plongea ses yeux dans les pupilles fendues du Visionnaire et fit un signe de tête.


Erëin ferma les yeux, se concentrant sur l’image d’une jeune femme blonde aux lèvres bleues. Les chuchotements des Chasseurs, autour de lui, s’évanouirent et les flammes cessèrent de diffuser leur sale lumière d’émeraude. Il ne sentit plus la terre noire et huileuse des collines de Néor, mais un vague parfum de lilas, mêlé à l’odeur de la pluie sur le bitume. Sa peau se réchauffa, comme si quelqu’un avait brusquement allumé le soleil.
Il ouvrit les yeux et tira la langue entre ses crocs tranchants, sentant sur ses papilles le goût de sel qui imbibait l’air recyclé des appartements de Faskiénne, la capitale d’Earth-o-wide. En face du lui, un miroir sale, carré, comme découpé à la main dans une grand plaque d’ivoire, décorait un mur gris-blanc.

« Chérie, ne pleure pas, j’arrive ».
Sur sa droite, au fond d’un couloir baigné par la lumière rose du jour, une jeune femme blonde passa en coup de vent. Mais avant de pénétrer dans la petite pièce qui faisait l’angle, Erëin la vit souffler un baiser bleu à une gamine qui sanglotait sur un petit lit, perdue au milieu de ses peluches.


Le Visionnaire sourit malgré lui, et sentit la vision le ramener sur Néor. A son retour, il s’aperçut qu’Omâr n’avait pas bougé d’un pouce. Pour lui, l’expérience avait du être instantanée, puisque la magie des Visionnaires ralentissait voire arrêtait le temps pour ceux qui n’y participait pas.
Omâr cilla et Erëin comprit que l’enchantement avait pris fin. Il répondit au regard glacial de cruauté que lui jeta le Chasseur. « Tout est en place ». Sans perdre un instant, la troupe s’avança, comme si le murmure d’Erëin avait été répété par chaque arbre pour sonner le grand rassemblement des Chasseurs de l’If.
« Pourvu que Simon n’arrive pas avant nous », marmonna Omâr pour lui-même, un vague doute brouillant soudain sa figure déchirée. Erëin ne put s’empêcher d’approuver intérieurement. Il n’osait imaginer ce qui se passerait si deux clans venaient à chasser sur le même territoire.
Surtout s’ils cherchaient la même Proie.


***


Mathilde braillait dans sa chambre. Le téléphone se mit à sonner et face à l’incapacité de Nova à décrocher le combiné tout en fouillant dans la boîte à médicaments et en fermant le robinet d’eau chaude qui menaçait d’exploser, le répondeur répéta de sa voix monocorde : « Bienvenue chez les Marys. Nous sommes absents, mais n’hésitez pas à nous laisser un message et nous vous rappellerons ». Sans quitter des yeux la plomberie qui rechignait à se tenir tranquille, Nova ne put s’empêcher de se faire pour une énième fois la remarque qu’il fallait vraiment qu’elle change cette messagerie. D’autant plus que depuis la mort d’Henri, c’était toujours sa voix qui alignait ces mots horriblement ennuyeux. Ca ne devait pas aider Mathilde à faire son deuil. Ni elle-même, d’ailleurs.

Ayant réussi à éviter l’inondation générale, elle se précipita à nouveau dans la chambre de sa fille. Dans sa course, il lui sembla apercevoir un éclat brillant dans le miroir près de la porte d’entrée, mais elle n’y fit pas attention.
« Mamaaannnnnnnnnnnn !
- Oui, je suis là ma puce. Bouge pas. Attends, bouge pas, ça va aller ».
Nova tenta tant bien que mal d’appliquer un peu de pommade à la gamine aux joues rouges qui se roulait en boule sur son lit. Mathilde s’était brûlée en voulant prendre un bain. Ces appart’ Layers sont vraiment pourris, pensa-t-elle. Malheureusement, avec ce qu’il leur restait des placements qu’avait fait Henri avant de les quitter, et son maigre salaire de serveuse dans un des nombreux Fly-Autobus de la ville, c’était tout ce qu’elles pouvaient s’offrir.

Mathilde se calma et s’endormit peu après, la tête dans son gros ours Tom, sans doute épuisée d’avoir tant crié. Nova se leva, fit craquer ses doigts et soupira en jetant un coup d’œil par la fenêtre crasseuse. En bas, les gens et les robots encombraient les trottoirs. « Comme des fourmis, il paraît », murmura-t-elle. C’est fou le nombre d’expressions qu’on emploie encore alors qu’on ne sait même plus ce qu’elles signifient, se dit-elle à elle-même. Même sa mère n’avait pas dû savoir ce qu’était une fourmi.

Elle sortit de la petite chambre et mis un peu d’ordre dans le salon. Rangeant les costumes gris pâle qu’elle venait de ramener du pressing, elle tomba par hasard sur la boîte orange vif dans laquelle elle avait gardé quelques-unes de ses poupées d’enfance. Elle songea à Mathilde noyée au milieu de ses innombrables peluches, et sourit. Elle saisit la boîte qui trônait sur l’étagère du haut du placard.
A l’intérieur, outre des bouts de ficelle de toutes les couleurs possibles et inimaginables (qui dataient de l’époque à laquelle elle s’était mis en tête de faire la collection de tout ce qui n’intéressait personne), elle trouva quatre Barbies blondes aux lèvres bleues. Elles avaient l’air si vieilles maintenant. Même leurs cheveux caméléons, qui fonctionnaient encore un peu, étaient définitivement démodés face aux modules des jouets modernes.

Saisissant une de ces bimbos à la taille de guêpe, elle s’aperçut qu’il lui manquait un bras. Elle fouilla parmi les tignasses poussiéreuses sans le retrouver. Elle reposa la boîte sans avoir pu rendre à la poupée son anatomie complète, et alors qu’elle allait rabattre le placard en PVC, son regard tomba sur un bout de plastique rose qui bloquait la fermeture.

C’était le bras de ladite poupée. Rigolant franchement à l’idée qu’elle puisse un jour égarer son bras dans sa propre maison et le retrouver en s’apercevant que le tiroir à chaussures coinçait, elle allait le reposer à sa place quand elle s’aperçut qu’un minuscule morceau de papier était glissé dans la main au bout du bras. Elle le déplia.

« Retourne-toi », était-il écrit.

Un frôlement criard passa tout près de son oreille droite et une flèche vint se ficher dans le vieux plastique du mur.

dimanche 27 avril 2008

Nova (1)


La flamme dansait devant ses yeux, mouvante comme une mer agitée. C’était jaune, rouge, bleu ; un long ruban qui se dépliait pour se replier, inlassablement. Il passa ses doigts blancs dans la couleur, et les retirant du feu, les porta à hauteur de ses yeux. Un voile orangé s’y était déposé. Souriant tristement, comme lorsque sa fille lui demandait pourquoi sa mère les avait quittés, il secoua sa main au dessus de son jean râpé. Des poussières d’or tombèrent. Les poussières de galaxie, celles dont scintillent les étoiles.

La montre, posée dans l’herbe à côté de lui, le ramena à son œuvre, ponctuant la nuit noire de son tic-tac indifférent. Il saisit une branche dont l’écorce sèche avait blanchi, cuite par la chaleur qui régnait perpétuellement dans ce coin reculé du Désert Bleu. Il retourna quelques braises et sentit sa barbe roussir sous la pluie d’étincelles blanches. Encore quelques minutes. Ses yeux, s’attardant sur le cadran noir en plastique, se perdaient dans les brumes du souvenir. Son premier saut avait été avec Saérah, dans les forêts détrempées d’Earth-o-wide. Vingt ans déjà, et pas un détail ne s’était estompé ; ses souvenirs avait la précision d’une gravure ancienne. A tel point que les contours du paysage lui semblait maintenant trop durs, trop droits, pour être fidèles aux courbes moussues des collines entourant la station d’Export. Un Visionnaire, voilà ce qu’il était, voilà pourquoi on l’avait recruté. Il ne fallait pas qu’il s’étonne que ses dons altèrent quelque peu sa mémoire.

Tic-tac. Encore quelques battements de cœur, et il pourrait partir. Il tourna à nouveau son attention vers le feu qui fourmillait. Avec l’expérience, il avait fini par maîtriser sa peur, cette peur qui vous serre le ventre à chaque nouveau saut. Il reprit la branche posée sur ses genoux croisés. C’était l’heure. Quelque part, dans le ciel sombre, un satellite explosa. Il n’entendit rien depuis le Désert Bleu, mais du coin de l’œil il surprit la griffure pâle de l’explosion sur le ventre bombé de la voûte nocturne.

Concentration. Il appuya sa paume sur l’extrémité coupante de la branche, plaçant l’autre dans l’âtre rougeoyant. Puis il se leva, murmura quelques mots. Ne oarsmen riünor Aesthané hirkhéat. Son souffle fut perdu dans le crépitement des flammes. S’appuyant toujours sur la branche, il avança un pied nu. La plante de son pied heurta une des roches qui encerclaient le feu et se posa dans le brasier. Il vérifia que le portail était prêt à s’ouvrir. Remuant encore un peu les cendres enflammées, il reconnut le scintillement bleuté si familier. Très bien, pensa-t-il. Au moins Omâr n’aurait pas à l’attendre. Pas cette fois.

Il s’avança et toute sa silhouette fut soudain cernée de rouge, du rouge sanglant des flammes découpant la nuit. La branche qu’il serrait se mit à blanchir et l’écorce déjà blanche brilla d’une lumière aveuglante. Il ferma les yeux et sentit le vide qui l’appelait. Il n’avait pas chaud, il ne sentait pas les langues brûlantes qui rognaient ses vêtements et les consumaient avidement. Il ne sentait que sa peau qui tirait, que le monstre qui voulait sortir. « Ainsi soit-il », murmura-t-il.

Tout à coup, un hurlement rauque, animal, jaillit de sa gorge pour venir heurter les étoiles qui dormaient tout en haut. Le temps s’arrêta un court instant, et les insectes qui bourdonnaient autour de la lumière, attirés vers leur propre perte, s’immobilisèrent. Les os craquèrent, ses mains se mirant à trembler alors qu’il sentait tout son corps se tendre, comme un long muscle félin. Des écailles s’imprimèrent comme des marbrures violettes, sur sa peau blanche. A ses pieds, le scintillement bleuté devenait plus vif et dessinait maintenant un pentagramme. Au centre, un cercle noir avalait les braises chaudes qui fumaient encore. Le feu faiblissait. Peu importe, pensa-t-il. Le saut vient.

Il sentit le sol se dérober sous ses pas et ce léger vertige qui vous prend à chaque transport. Et comme le cri déchirant, dont l’air était encore empli, saturé par la fumée et la magie noire, faiblissait, une chouette qui guettait sur un chêne proche vit Erëin disparaître. Mais avant de laisser, en partant, une large brûlure dans le sable bleu, il cracha un long jet de feu qui vint mourir au pied du vieux chêne. La chouette, hululant de frayeur, s’envola d’un battement d’ailes, une tornade bleue colorant ses plumes.

Puis tout redevint calme. Seule restait, sur le sol vitrifié par la chaleur, la branche noircie, brisée en deux.

A fleur de peau

Un peu
Beaucoup
Passionnément
A la folie



A tous les pétales de marguerite: Planquez-vous.



Le printemps a posé ses bagages, il a enfin regagné ses pénates. Et si le soleil continue à montrer le bout de son nez en permanence, s'il prend goût à la vie de fêtard, les décolletés refleuriront sous les cerisiers en fleurs.

La prophétie du temps ne pourra pas échouer. Espérons-le, même si ces pauvres dissonances cognitives en souffrent.

Ça bourdonne dans l'air.





vendredi 25 avril 2008

Scènes de la vie nocturne (Evrasth 2)


Progressivement ma vue s’habitua à l’atmosphère brumeuse. Je parvins à prendre pied dans ce monde étrange, comme les Expéditeurs des Terra nova, dans leurs aéronefs géants, apprennent à supporter le passage de leurs cabines artificiellement ventilées au climat gazeux des NU-planètes.

« Welcome, guy ».
L’antre de Harry. Aussi enfumée qu’un boudoir du Dersy Club. Mais, plus impressionnant, outre le gros ours qui se tenait penché derrière son bureau, ses longs cheveux emmêlés brouillant sa figure barbue, était l’empilement miraculeusement équilibré des cendriers tapissant chaque surface horizontale de la pièce. Les étagères, les piles de dossiers, les chaises, les assiettes vides sales de crasse et de poussière, les rebords de fenêtre, les couvercles de scanners infratech, et même la moquette brune, dans les coins du local. Au point qu’on ne savait où poser ses deux pieds à la fois et encore moins où loger ses fesses en position assise. Cette succession de cendriers identiques, différant seulement par la couleur, formait une étrange colonie de vacances aux couleurs de l’arc-en-ciel. Un géant semblait en avoir saupoudré la pièce et oublié de faire le ménage en partant. Pourtant on ne pouvait pas dire que l’ensemble formait un brouhaha désordonné ; au contraire il était troublant de soupçonner qu’il y avait sous ces spirales oranges, ces cercles bleus, ces dégradés de rouges bordeaux et de noir, des logiques qui nous échappaient ; comme les délires méthodiques d’un fou ; ou d’un visionnaire.

- Materney?, demandai-je.
­­- T’es pas loin, marmonna Harry dans un sourire fatigué. Arrêtant de fouiller dans les tiroirs de son bureau qui vomissaient des pages par centaines, il releva la tête, redressa son immense corps voûté. « Elberth », prononça-il, détachant ces deux syllabes avec délectation. Il prit entre ses doigts dodus le reste de cigare qui lui pendait aux lèvres et hocha la tête béatement.
- Nouvelle livraison ?
- Ouais, celle-ci vient la cave de Hugh. Il m’a donné la clé », ajouta-t-il après un temps, ponctuant son explication par un clin d’œil.

Encore une fois je me demandais comment Harry, avec le misérable profit qu’il tirait de sa feuille de choux, parvenait à se fournir auprès des Cigar Men les plus réputés du Consortium. Chaque fois que je passais la porte de cette pièce, je tentais, au risque de suffoquer, de reconnaître la subtile fragrance fuyant sous l’odeur agressive du tabac. Et à chaque fois elle était différente. C’est ainsi qu’aux côtés de Harry j’avais, moi qui n’avais jamais fumé, éduqué mon nez aux parfums les plus rares et les plus recherchés de notre galaxie. Bien obligé, puisque pour parvenir jusqu’à l’énorme masse humaine qui me versait mon salaire à chaque fin de mois il me fallait traverser ce manteau opaque qu’il arborait en permanence.

« Ray, passe moi le cendrier, là-bas. »
Le doigt de Harry se tendit vers une étagère à gauche de la porte, avec la précision d’un tir d’archer. Je suivis du regard le trait invisible sans pouvoir déterminer précisément dans quelle cible il s’était fiché. Devant de gros volumes empilés bizarrement comme les couches d’un millefeuille qu’on aurait malmené, une spirale de petits cendriers aux teintes indigo se déployait. Au fond de chacun d’entre eux, des restes de cendres grises tapissaient le polymère, mais le plus foncé était vide. A tout hasard, je le saisis entre deux doigts et interrogeai Harry du regard.
« Non, l’autre à droite. Le bleu noir, reprit-il, comme s’il ne pouvait s’en empêcher, avec le regard brillant d’un gamin qui, son épée en bois à la main, a un instant la témérité des chevaliers d’un autre temps, je le garde pour autre chose… ».

Sa voix se suspendit un instant, planant dans l’air comme les milliers de particules cancérigènes éclairées par la lumière glacée du jour. Harry aimait la mise en scène ; le mystère qu’il laissa planer dans ses mots me sembla tout aussi contrefait que celui qu’il instillait quotidiennement dans la plupart de ses déclarations ; pourtant ces yeux brillaient d’un éclat qu’il ne maîtrisait pas, comme si ses pensées fuyaient hors de la scène de théâtre qu’il aimait à présenter à ses interlocuteurs.
« Ah ? Tu as une piste ?, demandai-je
- Tu comprendrais pas.
- Je peux essayer.
Harry soupira dans un sourire. Sans doute s’amusait-il de mon amateurisme. Il est vrai qu’il n’était pas courant que les Cigar "Gentlemen", comme ils aimaient à s’appeler, se complaisent en discussions avec les profanes.
« Un César », lâcha-t-il dans un souffle.
Le cendrier me glissa des doigts.
« Merde ».
Des dizaines d’éclats bleu-vert jaillirent dans toutes les directions, cognant les piles de grapheurs et les capteurs évo-space ; à terre, ils formaient le cadavre d’une super-nova bleutée qui avait explosé.
« Laisse tomber », murmura Harry, alors que je m’éraflai les doigts aux éclats plastifiés en tentant de les rassembler. « Enfin, façon de parler ».


Soupirant, je me redressai et scrutai les paupières gonflées de Harry. L’incident n’avait pu m’ôter de la tête ses dernières paroles. Harry, figé, répondit à ma curiosité muette par son beau regard lourd, du bleu profond des océans terriens, avant la Guerre Blanche. Puis soudain, les coins de ses lèvres se relevant brusquement, comme dans un rictus, il éclata d’un rire rauque et étouffé, mêlé de toux et de crachats. Pour qui ne le connaissait pas, cela pouvait sembler le spectacle le plus répugnant du monde (même à notre époque le tabac a gardé ses bienfaits légendaires) mais je savais qu’Harry manifestait rarement une joie aussi grande. Abandonnant sa retenue forcée, il m’attrapa par les deux bras, par-dessus son bureau, et me secoua avec un enthousiasme bruyant.
« Ouais, sans rire, un César, tu te rends compte. Bien sûr, au début, j’ai cru que c’était des conneries. Au moins 20 ans que personne n’a pu mettre la main sur le moindre indice, la moindre trace d’une Cave, et maintenant, moi, moi, je vais peut être enfin toucher le jackpot ! ».

Bien évidemment, qui ne connaît rien aux Cigaryns, aux Cigares, aux Cigar men et à leur quête millénaire ne peut comprendre ce qui mettait Harry dans cet état. Même moi, qui n’avais que de vagues notions, me sentais pris d’un frisson d’excitation (que ce frisson soit venu de l’incroyable nouvelle que le boss m’eût apprise ou de la frénésie avec laquelle il prenait soin de m’agiter, sans prendre garde aux feuilles qui volaient dans le grand brassage d’air que tout ce remue-ménage causait).

Les Cigaryns étaient une guilde d’hommes qui prospérait aux temps de l’Expansion, mais malgré l’incroyable réputation des produits qui sortaient de ses temples et la curiosité immense que ces artistes de l’ombre suscitaient, peu nombreux sont ceux qui purent un jour véritablement les connaître, et encore moins percer le secret de la fabrication de leurs si célèbres Cigares. La variété et la subtilité des arômes de leurs produits ne fut jamais été égalée, et ce ne sont pas les imitateurs ou les faussaires qui manquèrent. A une certaine époque, il y a bien longtemps maintenant, le marché des cigares avait connu une telle explosion de l’offre que l’effondrement des prix avait ruiné plusieurs milliards de petits fabricants. Mais les caissettes d’ébène, au sceau rouge sang représentant un cercle barré (la perfection du cycle redressée de l’imperfection du fini humain, selon la légende), trouvaient toujours preneurs aux plus hauts prix.

Les Cigares des Cigaryns se sont fait par la suite de plus en plus rares. La production semblait se tarir, et plus personne ne pouvait prévoir où et quand une boîte serait mise en vente. Les collectionneurs acharnés se mirent à guetter avidement les moindres signes d’une vente future. Ces hommes richissimes du Consortium entier investissaient des sommes pharaoniques dans ce qui devint bientôt une véritable quête. Ils se réunirent, de manière informelle, avec tout ce qui les réseaux officieux de la haute bourgeoisie interstellaire, des politiciens ambitieux et des propriétaires fonciers des nouvelles colonies spatiales ont d’efficace et de cynique. Ils se nommèrent les Cigars men et se donnaient entre eux du Cigar Gentlemen. A leur quête acharnée, qui laissait derrière elle les corps refroidis de ceux qui avaient fait obstacle à leurs informateurs, s’ajouta une légende. Ou plutôt, des légendes.

Les Cigaryns avaient disparu. Puisqu’ils ne vendaient plus rien, puisque plus personne ne savait les contacter, le mystère qui les entourait semblait devoir leur servir de tombeau. Violettes d’Agadéen, tabac blanc d’Islath, fruits d’or des champs vermeils du Couchant, thé de Thémasne… Tous ces parfums dont les Cigar men rêvaient et qu’ils ne verraient jamais garnir leurs gigantesques étagères d’acajou couvertes, comme les placards pourris de Harry, de cendriers fins et multicolores aux arabesques compliquées… A la vérité, qui collectionnait des Cigares ne s’interdisait nullement d’apprécier le plaisir de les fumer. La tradition voulait (ainsi que le code de déontologie très pointilleux du Club des ces Gentlemen) que tout cigare fumé, et un tant soit peu renommé, finisse sa vie de cigare sous forme de cendres, ce qui n’était pas d’ailleurs illogique, mais que ces cendres soient recueillies dans un cendrier et conservées ainsi. Ce qui avait fini par arriver arriva et comme on ne trouvait plus guère de nouveaux Cigares à acheter, excepté la bouse infâme que les marchands de Stéops roulait dans des longues feuilles d’étraves, la collection des cendriers faillit prendre le dessus sur la collection des Cigares. Ce qui expliquait la tendance à la multiplication incontrôlée de ces petits récipients fragiles, c’était qu’il était hors de question d’utiliser le même cendrier pour deux races de Cigares différentes. Et il était de bon goût d’adapter la taille et la couleur du cendrier à la rareté et la réputation du Cigare qu’on envisageait de lui faire contenir. Comprenez bien que ce n’était après tout qu’un léger déplacement pour l’orgueil de nos Cigar Men. Puisqu’il était hors de question de faire visiter ses caves (c’est-à-dire puisqu’il était inenvisageable de laisser des yeux étrangers, des yeux passionnés et avides, s’attarder sur ses Cigares sacrés), il suffisait de faire visiter le salon, ou la Cigar Raum. La somptuosité d’un arrangement d’éteylns (c’est ainsi qu’on appelait ces petits cendriers) laissait entrevoir, sans aucun doute, la merveille de la cave qui allait avec.

Toujours est-il que ce qui hantait la plupart des Cigar Gentlemen, ce qui les faisait suffoquer la nuit dans leurs cauchemars en draps de soie, c’était les Césars. La dernière boîte sortie des manufactures des Cigaryns, avant leur incompréhensible disparition. L’accomplissement de tant de siècles de recherche. L’apogée sublime de l’art du Cigare.

jeudi 24 avril 2008

Et quand il n'y a plus rien à dire, il y a toujours quelque chose à dire...


Euh, le titre c'est de moi. Ce qui explique soit que vous le trouviez génial, soit d'une platitude affolante. Bref, passons.

Sans rire, je me suis dit que j'allais blogger un peu, why not? et puis alors, compte tenu de la situation présente (... c'est à dire... compte tenu de la situation présente), j'ai fini par être obligée, devant le curseur clignotant, presque aussi ahuri que moi, de me demander ce que j'allais bien pouvoir baragouiner.

Évidemment, quand on est directement connecté aux foudres de l'inspiration divine, quand les Muses rappliquent dès qu'on leur chante un sonnet pour nous ensevelir de vers nouveaux qui jallissent sous notre plume, quand Homère s'invite joyeusement dans notre tanière poussiéreuse et corrige avec amour nos petites phrases bancales, bref quand tous les secours de la mythologie et de la déesse Poésie sont d'on ne peut plus serviables serviteurs, alors on ne risque pas de plonger dans les abîmes où l'écrivain sans mots tombe parfois.

Pourtant, il paraît que "tout risque à dire sur le déjà dit". Alors c'est quoi, le déjà-dit? C'est "réveil-matin 15 h j'me réveille comme une fleur"... oups, pardon, en fait c'est pas tout à fait ça; pour moi, les premières lueurs du jour qui font frétiller mes rétines s'accompagnent plutôt de hhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhaaaaaaaah bruyants et du clac-clac-clac de mes pieds nus encore engourdis de sommeil sur le carrelage de la salle de bain. Le déjà-dit, c'est aussi (et non, ce n'est pas une pub...) : café, RER, métro, métro, marche... Une pluie de stress continue arrosant tout ça. Puis salle. Table. Entêtes. Sujet. Montre. Stress. Toilettes. Émargement. Chaud. Stress. En retard. 1/4 d'heure. Entêtes. Pagination. Abandon. Rendu de copie. Convocation. Sortie. Soleil (ou pas).
Et rebelotte.

Hum, donc, le déjà-dit, nul n'est besoin d'y revenir. Il est beaucoup trop présent à nos esprits, anyway; je pense que personne n'a besoin de précisions. Alors on cause de quoi?

On parle de tout plein de petits détails et on agrémente. Souvent, je préfère inventer des choses qui n'existent pas; mais ces personnages et ces lieux qui prennent forme dans mes phrases, ils ont la couleur, un peu pâlie, des petits rien de tous les jours.

Ce monsieur barbu, là-bas, accoudé à droite au rebord sale de la fenêtre du train, regardez : c'est le père Noël. Seulement, aujourd'hui, il est incognito. Sa femme l'a foutu dehors parce que quand Noël est passé, monsieur n'a plus rien à faire. Alors il bricole. Il boit aussi. Le garage devient un vrai merdier, alors il se fait virer. Il revient au bout de 3 jours, et tout repart dans des embrassades et des p'tits gâteaux à la cannelle faits maison. Mais en attendant l'inévitable réconciliation, il faut se passer des rennes, du traîneau, tout le tintouin.
D'où le RER.

Si vous écoutez, vous entendrez, outre bien sûr le babillage continu des deux vieilles peaux aux doigts lourds de bagues et aux comptes en banques sûrement replets, le crachotement du train en arrière fond. Ça souffle, ça s'agite, ça tremble, on dirait que ça va lâcher, puis ça repart tranquillement. En fait, ce sont des bébés dragons qui font avancer le gros tas de ferraille dans lequel vous essayez laborieusement d'apprendre encore la foutu formule de l'inégalité de Taylor-Lagrange.
Mais vous ne le savez pas. Parce que peu nombreux sont les gens qui, voyant le RER arriver, se baissent jusqu'à terre pour lui regarder le nombril. En fait, vous êtes tout ignorant du fait qu'en période de croissance post-natale, l'énergie dégagée par un petit énergumène cornu à la peau écailleuse (surtout lorsqu'il commence à cracher du feu) est tellement incontrôlable que les parents se sont résolus à utiliser cette puissance pour le bien commun (hum, "moralism in the name of collective survival"?) de manière à évacuer sans danger pour personne ce qui causerait beaucoup de dégâts sinon. La RATP est contente; ça fait des frais de moteurs en moins. Les dragons idem.
All is allright in the best possible world.

Si vous saviez tout ça, vous ne risqueriez plus de dormir, la bouche ouverte, bavant presque sur vos fiches de maths, quand vous venez le matin.

Évidemment, vous ne me croyez pas. Pourtant cette femme, là-bas, qui traîne un gros panier en raphia, qui semble une bonne mère de famille, une femme d'intérieur lambda, qui sait ce qu'elle ramène chez elle? Et le chaudron, dans la cheminée, vous croyez que c'est pour faire la soupe quand le nouveau gendre, beau costume-belle bagnole-beau salaire, vient déjeuner le dimanche? Bizarre qu'on ne trouve que des racines de chou et des plumes de corbeau à proximité des ustensiles cuivrés.

Même ce soleil, qui vous dore le bout du nez entre deux maxi-prises de tête, il n'est pas vraiment d'ici. Pendant la nuit, il a laissé la lune faire le boulot, il est parti. Où? Où vous voulez. Chez les sirènes; il a rasé le fond sablé de l'océan, se moulant contre les dunes aquatiques, et il a apporté un vrai jour aux poissons qui n'ont jamais que de pâles reflets de la splendeur du soleil quand il est chez nous. C'est élémentaire (mon cher Watson...).

Alors demain, faites-moi plaisir, regardez. Et si vous finissez par voir le petit farfadet qui se balade à côté de vous et qui vous suit comme votre ombre, dites-le moi sans paniquer.

Alors je vous expliquerai qu'on arriverait quand même pas à faire tout ça si chacun de nous n'avait pas son p'tit ange gardien avec lui.

lundi 21 avril 2008

La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent (Camus)



Et voilà. This is it. What else?

Et oui, qu'ajouter de plus? Qu'on se serrera les coudes? Qu'on y arrivera, que ce n'est pas la fin du monde, que ça passera plus vite qu'on se l'imagine? Oui, oui, oui... et les litanies habituelles, qu'on répète autant pour encourager autrui que pour se rassurer à travers la silhouette étrangère de l'autre, différente et pourtant si semblable dans sa teinte pâle et son frémissement de stress, tendu, prêt à péter.

Quelles que soient les affirmations, les visages ne mentent pas. Tout ça forme un grand cocktail d'émotions et de transes multiples,... Seul point commun, le regard. Tendu dans la même direction. Il paraît que les grands miracles soutiennent les ferveurs collectives. On ne risque pas de décevoir le bon Dieu, alors. Et tous ces éclats d'agitation, de fatigue et de soulagement, c'est notre petit feu d'artifice. Grande prière, qui vaut moins par le secours qu'on demande que par le secours qu'on se donne à soi-même par elle.

L'enchaînement sur le mot est aisé: "aide-toi, le ciel t'aidera". "Qui ne risque rien n'a rien".
Des paroles un peu creuses pour une vie trop pleine (et dont on sort parfois vidé).

Après tout, croyez-vous que le monde se foute de tout ça? Le ciel n'a même pas pris la peine de revêtir sa toge d'apparat. Pas de soleil. Pas d'escalier au velours rouge et de flashs crépitants. Pas de trompettes sonores, d'affiches placardées sur les murs lépreux de Paris. Pas même, dans les yeux des passants, de p'tits sourires compatissants, de zestes de tendresse et de signes d'encouragement. Un grand vide. Un grand plein. L'impression que le monde à chaque minute joue à la corde à sauter; ça rebondit, ça gargouille dans l'estomac bordélique de l'univers. Faim de quoi? Faim d'une fin, d'un "The end" et d'un générique à la fin du film?

Trop tôt pour penser à la retraite. Combemale l'a dit bien mieux que moi. De l'élégance. Est-ce vraiment ça? De la simplicité. De la foi. Après tout, ces mots ne recouvrent rien qu'une seule et même chose qui montre des faces différentes à des personnes différentes. Et comme un point de vue n'est jamais qu'une vue à partir d'un point...

Point. Vue. Cercle. Cycle. Recommencement. Dépassement. Un bouillonnement de vie; une indifférence cynique; un frisson de challenge; un zeste d'angoisse; un sourire incertain; une présence, une certitude au milieu du flou.

Demain.
Demain un autre jour. Comme les autres jours. Comme aucun autre jour. La vie. Pareille. Différente.

Bonne nuit à tous. Éteignez les lucioles, fermez les lumières des cerveaux excités. Toute réflexion prolongée tard dans la nuit visant à la détermination des réponses à des questions aussi vastes que : pourquoi? comment? et si... et si? pouvant être néfaste pour votre petite personne sans apporter d'éclaircissements essentiels pour l'avenir de l'espèce humaine, soyez brefs. Soyez la précision du fleuret et la souplesse de l'arc.

Camarades d'armes, rompez.

samedi 19 avril 2008

Désert


Accroupie, elle rêvait à la lune pâle
Refusant, comme un jeu, de regarder là-haut
Sous le ciel ténébreux son palpitant hâlo
Sur l'onde reflété taquinait les étoiles

Déchaussant son pied nu sur la grève boueuse
Elle esquissa un pas innocent dans le sable
Et doucement, sur son chemin, les grands érables
Se penchaient, chatouillaient son oreille rêveuse

Légère, elle s'amusait sur les dunes fraîches
Laissant derrière elle de longues coulées blanches
Et son rire enfantin dans une joie si franche
Faisait vibrer des roches les arêtes rêches

Et pourtant il semblait qu'en ce doux paradis
Une autre âme se tint tranquille sans bouger
Car cambrée tendrement, sous les bosquets dorés
La jeune fille vit ce garçon assoupi

Dans l'ombre elle se mut près du corps allongé
Admirer, oublié, son visage serein
Et effleurant d'un geste de sa belle main
Les paupières closes, elle vint à côté

Tous les deux bien blottis sur le flanc de la plage
Dormaient profondément, un sourire au visage
Et comme une caresse l'inconnu saisit
La main de l'inconnue qui reposait sur lui

vendredi 18 avril 2008

A ce qui fut, ce qui est et ce qui sera


J'ai salué les ans qui fuyaient mon regard, j'ai baissé la tête sur nos regrets, sur nos folies.
Un souffle froid traînait dans l'air comme un souvenir qui résiste. Ton nom est resté pur dans mes tourmentes ; tes mots poussent le grand métronome des âges.
Et le malheur a l'âcreté d'une aube froide qui promet la lumière et la garde.
Et le bonheur a le miel d'un jour qui offre la lumière et viendra la reprendre.

Mes bras se sont levés aux cieux; tes lèvres ont murmuré leurs prières. Comme si tu vivais toujours.

J'ai salué les ans qui ont fui et dans leurs sourires tes promesses renaissaient. Sur les voiles au loin, sur la ligne de fer où jouait l'horizon, le passé a embrassé l'avenir. L'avenir sans toi. l'avenir avec toi.
Et si pleurer était facile, les mouchoirs gondolés tapisseraient les chemins que nous avons parcourus. Ce sont les larmes qui veulent couler sans le pouvoir qui nous coûtent le plus. Ce sont les souffles écrasés dans les poitrines devant l'inébranlable. Ce sont les baisers qui arrivent trop tard, mort-nés.

Le silence était pur au milieu des cris de tous ces étrangers qui vivent sans pleurer. Sans en avoir besoin. Mes mots semblaient aussi nus que le carré vide de bleu qui vibrait sur nos têtes. Toutes les silhouettes vibraient d'une tension accumulée, comme ces formes qui sont nos désirs et nos cauchemars et qui, ne pouvait naître, transfigurent le réel pour qu'il leur ressemble.

L'orage aurait éclaté, sûrement. Sûrement, si mes yeux étaient restés ouverts prêts à le célébrer.
Combien d'êtres ont renoncé à la vie de peur qu'on ne les regarde pas?
A la place, c'est la pluie fine de ce jour d'octobre où nous nous sommes unis qui est venue laver mes divergences sans nombre. Parce que j'avais fermé les yeux.

Il est des choses qui ne croissent que dans le noir, qui ne triomphent que dans les ténèbres, mais ce n'est pas le mal, mais ce n'est pas la haine, car celle-ci se fortifie de tout ce qu'elle croit distinguer du monde.
Ce qui revient rire à la surface de mes nuits intérieures, c'est le souvenir diffus, trop léger pour qu'on risque qu'il s'envole en l'offrant à la lumière.

Mais les jours claquent aux portes de nos vies. Ils aiment la pompe et la fanfare, ils aiment le luxe inutile pour accompagner leur vulgaire matérialité. Les échos de leurs ricanements font rejaillir ce dont je ne veux plus. Ce dont je n'ai plus voulu, dès lors que tu étais parti.

Saurais-je faire ce qui est déjà écrit? Parfois j'imagine les serments de l'avenir gravées dans la roche. Je sais que ce que je vivrai est aussi inébranlable que ce que j'ai vécu. Je sais que ce qui sera est écrit aussi lisiblement que ce qui fut. Je sais que mes bonheurs futurs peuvent être aussi beaux que mes bonheurs passés avec toi. Sans toi. Sans personne. Avec tout le monde.

Question de point de vue. Question d'éclairage. Fermer les yeux. Les ouvrir.
Ne plus rien vouloir entendre. Aimer le son de la pluie, le martèlement des gouttes comme tes pas qui dansaient sur le parquet. Faire un grand noeud de cette vie. Refuser qu'elle fuie, qu'elle échappe. Mais laisser filer les rubans.

J'ai salué les ans qui fuyaient mon regard. J'ai baissé la tête. Et mon corps s'est levé de ce banc où brillaient les étoiles. Et mes lèvres, tournées vers le soleil, derrière, ont goûté à l'aurore. Elle avait la saveur de tes lèvres.

dimanche 13 avril 2008

On a trempé notre plume


Grand Corps Malade, Toucher l'instant


On a trempé notre plume dans notre envie de changer de vision
De prendre une route parallèle, comme une furtive évasion
On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie
De se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie

Il existe paraît-il, un instant dans l'écriture
Qui oublie la page blanche et efface les ratures
Un véritable état second, une espèce de transe
Qui apparaît mystérieusement et s'envole en silence

Que l'on rape ou que l'on slame, on recherche ce moment
Il allume une flamme qui nous éclaire brièvement
Cette flamme est la preuve, laisse moi t'en faire une démo
Qu'il est possible de combattre le mal par les mots

C'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps
Les moment rares et irréels que la quiétude inonde
Rouda, n'oublie jamais notre parole du bout du monde

On ressent comme une coupure dans la vie, comme un rêve
On oublie les coups durs de la vie, comme une trêve
C'est un phénomène puissant, je ne te parle pas d'inspiration
Mais d'un souffle plus profond comme une seconde respiration

On voit et on entend l'encre devenir vivante
On goûte et on sent la saveur d'une rime errante
On touche du doigt l'instant qui nous enveloppe de sa puissance
C'est sans cesse la renaissance de l'essence même de nos cinq sens

C'est le moment où on passe de l'autre côté des paysages
On sympathise avec le vent et on tutoie les nuages
Il fait jour en pleine nuit et il fait nuit en plein jour
Profite de cet instant, il ne durera pas toujours

C'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps
Le moment où le voile se lève et la magie s'élance
Là où j'ai croisé Souleymane au bout du sixième silence

Si on a pas atteint le Nirvana, on doit en être au seuil
Pourtant je suis simplement assis là devant ma feuille
Peut-être que cet instant n'existe que dans mon esprit
Et que je suis complètement mythomane lorsque j'écris

Mais laisse moi mon stylo, y'a pas moyen que je m'arrête
J'ai une envie d'écrire comme t'as une envie de cigarette
Et pour m'enlever ce désir je te demanderais de repasser
Car tant que je pourrais écrire je continuerai de penser

Que c'est tout sauf une légende, on espère juste toucher l'instant
Les quelques secondes du poète qui échappent à l'espace-temps
Les moments que l'on redécouvre, que l'on connaît plus ou moins
Tu l'as déjà touché Jacky, j'en suis témoin

On a trempé notre plume dans notre envie de changer de vision
De prendre une route parallèle, comme une furtive évasion
On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie
De se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie.

vendredi 11 avril 2008

Scènes de la vie nocturne: Sayïn


Sayïn marche dans la rue, sous les érables détrempés. Un coup d'oeil à droite. Pas une voiture sur la route. Un chat noir qui traverse à côté de lui. Toute élégance. Le félin saute sur le muret du Commissariat. Son pelage d'ombre s'argente sous la lune. Zébré. Ses yeux luisent, comme le métal d'une lame qu'on a frotté trop longtemps et qui trépigne de servir. Baptême du sang. Les gyrophares, au loin. Les hurlements d'un garce, l'hypocrisie qui ricane devant la galère du monde.

Il se plaque contre le mur. A l'abri de la prison, tout est calme. On a laissé la liberté dehors; elle ne gêne plus. On n'est plus serré aux coudes. Même plus besoin de bouger les bras. Même plus envie.

La sirène s'éloigne, gobée par l'obscurité poisseuse. Nuit d'orage. Sayïn lève la tête, sent les gouttes qui approchent. Comme une promesse. Laver toute cette crasse.

Un pas devant l'autre. Il quitte en boitant la muraille sombre et les barreaux, aux fenêtres, rayent la nuit comme un pyjama. Si le monde entier pouvait dormir comme un enfant, suçant son pouce... Il n'aurait pas les yeux ouverts en permanence, à regarder le naufrage.

Crissement. La langue sèche des pneus râpe le bitume mouillé. Coup de pédale, coup de volant. Précision, comme un tir de fléchette. Les phares sont éteints; règle du jeu oblige. Sayïn se retourne trop tard, mais il sait déjà. Une vague d'obscurité qui le broie. Soupir. Stop.


mardi 8 avril 2008

Et si...


Et si les arbres avaient toujours des feuilles?
Et s'il pleuvait de la neige au café?
Et si les gens ne regardaient pas leurs pieds quand ils marchent?
Et si les yeux, cherchant au loin le soleil qui baille encore, ne se heurtait plus aux murs des immeubles parisiens, et avalaient la terre entière?
Et si cette personne croisée tous les matins en remontant la Rue Soufflot souriait à votre approche?
Et si les ordinateurs faisaient régime?
Et si les mots venaient tous seuls?
Et si nos amitiés futures étaient aussi belles que nos amitiés présentes?
Et si l'on revenait dans 10 ans brandir un drapeau rouge dans la salle 205?
Et si la cour du Méridien avait toujours des cerisiers aux fleurs d'un rose tendre quand avril se profile, avait toujours des jets de ballons improbables au dessus d'un filet usé, avait toujours le douceur de ces moments de détente interdits?
Et si l'on n'oubliait jamais même quand le passé se dérobe?
Et si l'on pouvait toujours créer?
Et si les rues de nos vies avaient d'innombrables carrefours qu'on pourrait parcourir dans tous les sens?
Et si l'on avait plus besoin de se téléphoner pour savoir qu'on est ensemble?
Et si l'on vivait en musique?
Et si l'on savait voler rien qu'en regardant le ciel?
Et si l'on faisait des rêves sans chercher à les capturer?
Et si l'on savait perdre et continuer à jouer?
Et si l'on traversait la vie en restant toujours soi-même?
Et si l'on dessinait des moustaches aux statues?
Et si le pop-corn était violet au cinéma?
Et si l'on déclamait des vers au coin d'une rue?
Et si l'on savait se taire quand les phrases nous oppressent?
Et si l'on savait écouter les gens qui marchent, les gens qui parlent, les gens qui s'aiment, sur les ponts de Paris?
Et si l'on buvait la Seine?
Et si l'on se jetait à l'eau pour oublier de nager?
Et si les fous rires étaient des poissons, et si nous étions des pécheurs?
Et si l'on se prenait la main pour ne pas se quitter?
Et si l'on se lâchait la main pour se retrouver?
Et si l'on était de mauvaise foi sans jamais le nier?
Et si l'on faisait des bonhommes de neige en plein mois de juin?
Et si l'on écrivait non ce qui fut, ce qui est, ce qui sera, mais ce qui serait?
Et si l'on rigolait pour rien, qu'on pleurait pour beaucoup?
Et si l'on dessinait le monde sans vouloir le changer?
Et si la Terre tournait pour nous donner le vertige?

Et si la vie faisait mal sans cesser d'être belle?

lundi 7 avril 2008

A Paris, Dans nos coeurs


P'tit aprèm' avec Mat' et les autres, les inébranlables-inoubliables-irremplaçables BLs... Un peu d'air frais, des nouvelles d'ailleurs (des nouvelles du monde...).

Petit remontant qui m'a moins coûté (en kilos et en regrets) que les trois tablettes de chocolat que je me serais enfilées en rentrant chez moi, sans doute sous le prétexte (on ne peut plus légitime) de travailler avec l'efficacité d'une stakhanoviste acharnée (et que ceux qui n'ont jamais eu l'illusion que la nourriture excédentaire dont ils gavaient leur estomac devait bien au final contribuer à huiler le mécanisme rouillé de leurs petits neurones me jettent la pierre).
Qui m'a moins coûté (en estime personnelle) que les heures que j'aurais passées à blogger dans ma chambre où les meubles me semblent tapissés et usés par la présence fantomatique de tant d'heures de boulot passés.
Qui m'a moins coûté (en dépassement de forfait) que l'inévitable appel quotidien à Mam'zelle Psychothérapie du soir.
Qui m'a moins coûté que de longs dialogues avec mon subconscient ratatiné ces jours par le soleil, par de trop nombreuses pensées névrosées sur le thème de "Et si..."/"Et quand...", par la nostalgie prématurée, par le j'm'en-foutisme mêlé au j'devrais-pas-m'en-foutre (voire même au je-crois-que-de-toute-façon-je-ne-peux-pas-m'en-foutre-mais-je-n'en-suis-pas-sûre), par l'appel stressé au stress.
Qui m'a moins coûté (en lent abrutissement) que de contempler la vie à travers les lunettes déformantes de mauvaises séries américaines (et oui, Clara, s'il t'a quittée, c'est parce que ça ne collait plus entre vous, et en aucun cas parce qu'on sait depuis le début de la saison qu'il est tombé raide dingue de Jennifer...).

Bref, pour un effet garanti (et si vous n'êtes pas convaincu, on vous rembourse en fiches d'histoire! Non ce n'était pas une menace...), munissez-vous des accessoires appropriés (guitare, chapeau, porte-monnaie), entourez-vous de personnes qualifiées (donc déjantées, aussi crevées que vous et propres à partir en trip sur les mêmes délires incompréhensibles à toute personne normalement connectée à la réalité), suivez la recette à la lettre (une bonne portion de soleil, un zeste de neige, une pincée de musique et des sourires à volontés), ajoutez au plaisir votre ingrédient préféré (ou comment justifier qu'au bout du compte, il est toujours recommandé de parler de mecs _ même si bien souvent ce n'est pas de votre cas dont il s'agit, surtout en ce moment...), mélangez tout ça avec conviction (toute levure-riutoro-combemalienne est bienvenue pour faire lever la pâte). Faire cuire dans un four adapté à bonne température (Gaudeamus nous voilà). N'oubliez pas la cerise sur le gateau (cerise vert pomme-orange vivant vie déjantée cherche l'amour pour le plaquer).

Dégustez à plusieurs. Plus on est de fous... plus on est de fous.

dimanche 6 avril 2008

Monty Python and the Holy Grail


Scene 1

[opening music]
[wind]
[clop clop clop]
KING ARTHUR: Whoa there!
[clop clop clop]
SOLDIER #1: Halt! Who goes there?
ARTHUR: It is I, Arthur, son of Uther Pendragon, from the castle of Camelot. King of the Britons, defeater of the Saxons, Sovereign of all England!
SOLDIER #1: Pull the other one!
ARTHUR: I am,... and this is my trusty servant Patsy. We have ridden the length and breadth of the land in search of knights who will join me in my court
at Camelot. I must speak with your lord and master.
SOLDIER #1: What? Ridden on a horse?
ARTHUR: Yes!
SOLDIER #1: You're using coconuts!
ARTHUR: What?
SOLDIER #1: You've got two empty halves of coconut and you're bangin' 'em together.
ARTHUR: So? We have ridden since the snows of winter covered this land, through the kingdom of Mercia, through--
SOLDIER #1: Where'd you get the coconuts?
ARTHUR: We found them.
SOLDIER #1: Found them? In Mercia? The coconut's tropical!
ARTHUR: What do you mean?
SOLDIER #1: Well, this is a temperate zone.
ARTHUR: The swallow may fly south with the sun or the house martin or the plover may seek warmer climes in winter, yet these are not strangers to our
land?
SOLDIER #1: Are you suggesting coconuts migrate?
ARTHUR: Not at all. They could be carried.
SOLDIER #1: What? A swallow carrying a coconut?
ARTHUR: It could grip it by the husk!
SOLDIER #1: It's not a question of where he grips it! It's a simple question of weight ratios! A five ounce bird could not carry a one pound coconut.
ARTHUR: Well, it doesn't matter. Will you go and tell your master that Arthur from the Court of Camelot is here?
SOLDIER #1: Listen. In order to maintain air-speed velocity, a swallow needs to beat its wings forty-three times every second, right?
ARTHUR: Please!
SOLDIER #1: Am I right?
ARTHUR: I'm not interested!
SOLDIER #2: It could be carried by an African swallow!
SOLDIER #1: Oh, yeah, an African swallow maybe, but not a European swallow. That's my point.
SOLDIER #2: Oh, yeah, I agree with that.
ARTHUR: Will you ask your master if he wants to join my court at Camelot?!
SOLDIER #1: But then of course a-- African swallows are non-migratory.
SOLDIER #2: Oh, yeah.
SOLDIER #1: So, they couldn't bring a coconut back anyway.
[clop clop clop]
SOLDIER #2: Wait a minute! Supposing two swallows carried it together?
SOLDIER #1: No, they'd have to have it on a line.
SOLDIER #2: Well, simple! They'd just use a strand of creeper!
SOLDIER #1: What, held under the dorsal guiding feathers?
SOLDIER #2: Well, why not?




Scene 21


LAUNCELOT: We have the Holy Hand Grenade.
ARTHUR: Yes, of course! The Holy Hand Grenade of Antioch! 'Tis one of the sacred relics Brother Maynard carries with him! Brother Maynard!
Bring up the Holy Hand Grenade!
MONKS: [chanting] Pie Iesu domine, dona eis requiem. Pie Iesu domine, dona eis requiem. Pie Iesu domine, dona eis requiem. Pie Iesu domine, dona eis requiem.
ARTHUR: How does it, um-- how does it work?
LAUNCELOT: I know not, my liege.
ARTHUR: Consult the Book of Armaments!
BROTHER MAYNARD: Armaments, chapter two, verses nine to twenty-one.
SECOND BROTHER: And Saint Attila raised the hand grenade up on high, saying, 'O Lord, bless this Thy hand grenade that, with it, Thou mayest blow Thine enemies to tiny bits in Thy mercy.' And the Lord did grin, and the people did feast upon the lambs and sloths and carp and anchovies and orangutans and breakfast cereals and fruit bats and large chu--
MAYNARD: Skip a bit, Brother.
SECOND BROTHER: And the Lord spake, saying, 'First shalt thou take out the Holy Pin. Then, shalt thou count to three. No more. No less. Three shalt be the number thou shalt count, and the number of the counting shall be three. Four shalt thou not count, nor either count thou two, excepting that thou then proceed to three. Five is right out. Once the number three, being the third number, be reached, then, lobbest thou thy Holy Hand Grenade of Antioch towards thy foe, who, being naughty in My sight, shall snuff it.'
MAYNARD: Amen.
KNIGHTS: Amen.
ARTHUR: Right! One!... Two!... Five!
GALAHAD: Three, sir!
ARTHUR: Three!
[angels sing]
[boom]



Scene 23

[gurgle]
GALAHAD: There it is!
ARTHUR: The Bridge of Death!
ROBIN: Oh, great.
ARTHUR: Look! There's the old man from scene twenty-four!
BEDEVERE: What is he doing here?
ARTHUR: He is the keeper of the Bridge of Death. He asks each traveller five questions--
GALAHAD: Three questions.
ARTHUR: Three questions. He who answers the five questions--
GALAHAD: Three questions.
ARTHUR: Three questions may cross in safety.
ROBIN: What if you get a question wrong?
ARTHUR: Then you are cast into the Gorge of Eternal Peril.
ROBIN: Oh, I won't go.
GALAHAD: Who's going to answer the questions?
ARTHUR: Sir Robin!
ROBIN: Yes?
ARTHUR: Brave Sir Robin, you go.
ROBIN: Hey! I've got a great idea. Why doesn't Launcelot go?
LAUNCELOT: Yes. Let me go, my liege. I will take him single-handed. I shall make a feint to the north-east that s--
ARTHUR: No, no. No. Hang on! Hang on! Hang on! Just answer the five questions--
GALAHAD: Three questions.
ARTHUR: Three questions as best you can, and we shall watch... and pray.
LAUNCELOT: I understand, my liege.
ARTHUR: Good luck, brave Sir Launcelot. God be with you.
BRIDGEKEEPER: Stop! Who would cross the Bridge of Death must answer me these questions three, ere the other side he see.
LAUNCELOT: Ask me the questions, bridgekeeper. I am not afraid.
BRIDGEKEEPER: What... is your name?
LAUNCELOT: My name is 'Sir Launcelot of Camelot'.
BRIDGEKEEPER: What... is your quest?
LAUNCELOT: To seek the Holy Grail.
BRIDGEKEEPER: What... is your favourite colour?
LAUNCELOT: Blue.
BRIDGEKEEPER: Right. Off you go.
LAUNCELOT: Oh, thank you. Thank you very much.
ROBIN: That's easy!
BRIDGEKEEPER: Stop! Who approacheth the Bridge of Death must answer me these questions three, ere the other side he see.
ROBIN: Ask me the questions, bridgekeeper. I'm not afraid.
BRIDGEKEEPER: What... is your name?
ROBIN: 'Sir Robin of Camelot'.
BRIDGEKEEPER: What... is your quest?
ROBIN: To seek the Holy Grail.
BRIDGEKEEPER: What... is the capital of Assyria?
[pause]
ROBIN: I don't know that! Auuuuuuuugh!
BRIDGEKEEPER: Stop! What... is your name?
GALAHAD: 'Sir Galahad of Camelot'.
BRIDGEKEEPER: What... is your quest?
GALAHAD: I seek the Grail.
BRIDGEKEEPER: What... is your favourite colour?
GALAHAD: Blue. No, yel-- auuuuuuuugh!
BRIDGEKEEPER: Hee hee heh. Stop! What... is your name?
ARTHUR: It is 'Arthur', King of the Britons.
BRIDGEKEEPER: What... is your quest?
ARTHUR: To seek the Holy Grail.
BRIDGEKEEPER: What... is the air-speed velocity of an unladen swallow?
ARTHUR: What do you mean? An African or European swallow?
BRIDGEKEEPER: Huh? I-- I don't know that. Auuuuuuuugh!
BEDEVERE: How do know so much about swallows?
ARTHUR: Well, you have to know these things when you're a king, you know.
[suspenseful music]
[music suddenly stops]
[intermission]
[suspenseful music resumes]

mercredi 2 avril 2008

Scènes de la vie nocturne (Evrasth 1)



Expédition nocturne. Notre correspondant Ray JOHNSSON sur les traces du trésor d'Evrasth.

Je griffonnais ces mots sur une page de mon carnet noir, rapiécé et sali par mes innombrables courses poursuites d'autrefois, où, terrifié, mais bravant le danger avec courage, j'avais si souvent tenté (et réussi d'ailleurs) d'échapper à des poursuivants aussi divers que des furies, des reptiles archaïques, des fantômes, des morts-vivants, des maléfices acharnés à me surprendre dans les moments les plus saugrenus, des sorcières, sans compter cette horrible goule qui m'avait un jour mordu le nez jusqu'au sang, et dont ce dernier avait d'ailleurs gardé amèrement le souvenir.

Moi, Ray Johnsson. Terreur des forces maléfiques, défenseur des braves gens d'ici bas contre les puissances obscures sous l'assaut desquelles notre monde vacille aujourd'hui, vaillant agresseur des ténèbres revenues depuis trop longtemps vous hanter, noble chevalier qui a couru tant de fois au combat et qui, prêt à s'y rendre encore s'il le faut, jure d'apporter cette paix sacrée à laquelle vous aspirez tous...

"Ridicule...", soufflais-je malgré moi. Même ma propre personne, regardant ces phrases que ma main, secouée par les soubresauts de la barque, avait maladroitement écrites, ne pouvait prendre au sérieux ces accès de délire affreusement démodés que mon orgueil et mon ambition affectionnaient. Ma fièvre de gloire était retombée comme un soufflé; la pluie cinglante qui tombait depuis des heures semblait l'avoir douchée.

M'essuyant les yeux d'un revers de main, abritant de l'autre mon précieux carnet, je barrai rageusement ces lignes. Probablement des réminiscences de mes lectures d'enfant, abusivement arrosées de rêveries toujours inspirées des mêmes thèmes : mon destin de roi, mon âme de chevalier, mon amour sans faille pour ma dulcinée... Je m'étais toujours soûlé à ces récits épiques, à la poussière des vieux bouquins de fantasy que mon grand père gardait en vrac dans les tiroirs de son bureau. Il devait m'en rester un reste d'ivrognerie; du moins c'est ce qu'avait prétendu Mirva, mon ex-femme, lorsqu'elle avait demandé le divorce. "Mon mari n'est pas un homme, avait-elle dit à la juge. C'est un personnage de BD, un chevalier servant, un magicien renommé, un aventurier de l'espace, un tout-ce-que-vous-voulez, mais sûrement pas un homme!". Et la magistrate grisâtre d'hocher gravement la tête, avec un air compréhensif, comme ponctuant les paroles de ma tendre moitié (pardon, ex-moitié) par le balancement de son coup décharné. (Soit dit en passant, je m'étais toujours demandé si je ne me serais pas entendu avec son mari...).

Une goutte, plus revêche que les autres, parvint se faufiler entre mes doigts raidis par le froid, et s'écrasa mollement sur le papier jaunâtre, formant une tâche sale, comme lorsqu'on colle son nez aux vitres embuées en hiver. Je n'avais pas rayé le titre. Après tout, un peu de grandeur et d'envergure, même illusoires, ne seraient pas de trop dans cette affaire. Et quelle affaire...


Il y avait trois jours, mon patron, un type du nom de Harry Curks, m'avait appelé pour me parler d'une nouvelle "mission", comme il aimait les appeler. Sa voie traînante qui, même au téléphone, rappelait trop bien sa silhouette mal rasée, décoiffée, comme affichant en permanence toute la nonchalance du monde, avait semblé pourtant démentir largement l'intérêt et l'urgence de la situation.
De toute manière, ça faisait un petit bout de temps que ça durait. Harry jouait sur ma corde sensible. Il me traitait en grand journaliste, me concoctait des petites phrases piquantes, destinées à aiguiser ma curiosité (mais qui, mâchonnées, plus que prononcées, par lui, avaient tendance à friser la platitude la plus achevée); en un mot, il prenait soin de me ménager.

Comme si je risquais de le lâcher. Comme si je pouvais encore avoir la plus petite opportunité de redevenir le traqueur invétéré que j'avais été. Comme si je pouvais encore constituer la moindre menace pour ces hommes puissants, ces gouverneurs, ces lobbyistes acharnés, ces femmes d'affaires qui sèment sur leur passage autant d'amants en peine que de cadavres… Tout ce beau petit monde avait si souvent, sous la seule menace de ma plume, été prêt à tomber à terre devant un public incrédule, à payer, à supplier, à promettre tout et n'importe quoi pour qu'on les laisse tranquilles. Toujours prêts à sacrifier ce qui avait quelque importance pour conserver ce qui n'en avait aucune...
Ray Johnsson avait été en son temps la star des gazettes du Consortium entier. Non de celles qui s'affichent en hologrammes vulgaires dans la Flash-presse, pour vous rincer les yeux violemment, tous les matins, de leurs sourires d'un blanc irritant et pour témoigner par là, sans qu'aucun lecteur s'en scandalise, de tout le gaspillage que l'Homo Fortunus contemporain peut faire de son argent en dépenses de Remodelage corporel ou en cure de Rajeunissement. Non... J'avais été l'ombre qui faisait trembler le Capitole, j’avais été la main qui secouait les tractations des Fournisseurs Spaciaux, leurs innombrables sociétés regroupées en trusts multiplanétaires, et la monstrueuse efficacité de leur système d'exploitation des populations réfugiées pour se procurer une main d'oeuvre corvéable à merci.

Mais tout cela n'avait duré qu'un temps... Je secouai la tête. La Deuxième faille, la dictature, la destruction d'Hill Planet et la mise au ban. J'avais bien été obligé de me ranger. Comme tous les autres, d'ailleurs. Adieu reconnaissance, adieu public. Je me surprenais parfois à penser que je ne valais pas mieux que tous ces hommes que j'avais fait chanter. Moi aussi j'aimais le pouvoir. Avec peut être la différence que je me cachais cette vérité derrière le prétexte du bien commun, de la révélation de la vérité. Quoiqu'il en soit, j'avais fini par savoir à mes dépends ce que c'était que d'avoir une épée de Damoclès suspendue au-dessus de soi, et qu'un grand rigolo (rigolo, mais intouchable) prenait plaisir à agiter narquoisement.

C'est peut être bien parce qu'il me ménageait encore, qu'il avait avec moi les égards qu'on n'a plus que pour les morts (et en quelque sorte, le Ray Johnsson de mes illustres années était bel et bien mort _ seuls restaient ses articles acérés, ces pages de journaux que tant de doigts curieux avaient malmenées), que je restais chez Harry, à écrire des articles affligeants d'ennui pour le Heys Courrier de Salbaste, la planète où j’attendais depuis ça.

Il y avait mille autres Gazettes dans le coin qui produisaient chaque jour la même masse informe et répugnante de pseudo-reportages, et j'aurais tout aussi bien pu aller ailleurs. Mais pour trouver quoi? Cela faisait bientôt dix ans que la presse était muselée, que les grands noms du journalisme politique qui voltigeait sur les ondes galaxiennes n'appartenaient plus qu'à ceux qui avaient juré allégeance au Consortium et mis leurs plumes à sa disposition. Des esclaves, pensai-je avec dégoût. Même si je leur enviais leur position, que j'avais autrefois brillamment occupée, du moins me consolais-je en me disant que je n'avais jamais été un de ces pingouins en redingotes aux lèvres trop artificielles d'avoir été refaites, affichant dans un sourire condescendant la satisfaction orgueilleuse de l'ascension sociale la plus achevée, mais qui, en trinquant au St Xerk's, faisant tinter, en même temps que leurs flûtes à champagne, des chaînes si lourdes. J'en étais donc venu à accepter de me faire chouchouter par Harry.

Il y a avait entre nous une relation particulière, qui reposait autant sur une représentation théâtrale permanente, que sur un profond respect réciproque. Il m'avait après tout "recueilli" alors que tous me fuyaient après mon exil et ma disgrâce. Même si l'on pouvait difficilement attacher à sa figure bougonne et grasse l'adjectif de "courageux", Harry m'avait aidé à reprendre pied aux dépends de sa propre situation. Et de cela, je lui étais reconnaissant.

C'est pourquoi je n'avais pas eu à cœur, lorsqu'il avait sonné dans mon interface perso à 3h du mat’ jeudi dernier, de l'envoyer bouler et de répliquer, comme cela m'était déjà arrivé : "Harry, tu m'emmerdes avec des reportages pourris! Tu vas encore me faire filer une vieille ou m'envoyer rattraper les reliques disparues d'un animal fantastique ?". Il aurait de toute façon, comme à son habitude, répliqué de sa voix de somnambule : "Que veux-tu faire d'autre Ray? T'es dans la "presse poubelle" now guy. Mais j'te connais. Je t'ai réservé un truc pas mal du tout. Ca devrait t'intéresser". Effectivement, d'après lui, j'aurais toujours dû trouver mon compte dans les papiers qu'il me proposait de faire. C'était pourtant rarement le cas, mais il n'y pouvait rien, je le savais bien. Comme il avait au moins l'agréable attention de me laisser croire que le travail que je faisais avait quelque importance si ce n'est pour lui, du moins pour moi-même, voire peut être à la limite pour mes lecteurs, et qu'il me laissait aller sur le terrain, je m’estimais heureux. Avec pragmatisme je savais que, pour l'instant, c'était tout ce que je pouvais exiger.

C'est pourquoi je me laissai prendre au jeu, comme souvent, lorsqu'il me parla de son histoire. Je débarquai à 10h30 au 4,8 Esther Street, montait les escaliers glauques jusqu'à la plate forme du Heys Courrier. Une dizaine de tables, encombrées sous des monceaux de paperasse, d'ordinateurs antiques et même de vieilles machines à écrire, s'offraient à la vue dans une crasse et une nudité obscène. A chaque fois, je ne pouvais m'empêcher de me dire que c'était l'illustration même de la décadence qui avait frappé l'espèce humaine depuis la Guerre Blanche.

Je traversai à grand pas le champ de bataille. Le Heys était fermé le jeudi, et le spectacle des bureaux vides suggérait que les salariés avaient pleinement décidé de se vautrer dans la médiocrité ambiante de la pièce, de la ville... de l'époque, à vrai dire. Les cahiers traînaient ouverts ou en piles hasardeuses. Certains écrans d'ordinateurs clignotaient faiblement comme s'ils n'avaient plus la force de supplier qu’on les éteigne. Une pomme trônait fièrement sur le coin d'une imprimante, tendant au visiteur sa joue déjà croquée. Sur une étagère, plus loin, là où le soleil verdâtre commençait à jeter sa lueur sulfureuse, la photographie d'une jeune femme à la peau d'un noir d'ébène tranchait avec la blancheur plastifiée du cadre.

« Ray, c’est toi guy ? Ramène ton auguste personne ! ».
J’entendais Harry grommeler derrière la cloison. Mauvaise nuit, pensai-je. Détournant le regard, j’enjambai rapidement les cartons qui s'entassaient devant le couloir et, au moment d’ouvrir la porte du bureau, inspirai profondément. Malgré mes précautions, l’odeur âcre du tabac me pris à la gorge. La pièce baignait dans un brouillard fantomatique d’où émergeait la silhouette ronde et hirsute d’Harry. Dans la pénombre matinale, le bout incandescent de son cigare était la seule chose que je parvenais vraiment à distinguer.

(suite à venir...)

mardi 1 avril 2008

Du pareil au même


Je suis triste.
C'est si simple à dire, ça vous tombe de la bouche avant que vous ayez pu le rattraper. Comme une évidence.

Comme ces larmes qui parfois débordent et veulent noyer le monde. Comme un brouillard amer qui vient serrer les gorges.
Oublions les hommes dans un soupir.
Un regret, l'entendez-vous? Il gémit dans les sanglots du monde. Une douleur, la sentez-vous? Elle est la nostalgie de ces rêves d'enfants qui sont nos mensonges d'un jour. Toujours trop crus. Sans qu'on sache plus vivre.
Phare essoufflé sur le brisant des vagues. Effritement des visages d'antan dans nos vallées d'oubli. Si nous savions les gouffres au-delà... Déception, nous guetterais-tu? Tu est l'informe, le noir que nous n'aimerons jamais. Nous y arracherons des broussailles sans vie.
Grands fossoyeurs du passé, soyez prompts et efficaces. Soyez tristes dans un monde triste. Réveillez les pessimistes qui sommeillent.
(En nous)


Je suis heureuse.
C'est si simple à dire, ça vous tombe de la bouche avant que vous ayez pu le retenir. Comme une évidence.

Comme cet amour qui parfois déborde et veut noyer le monde. Une aurore aux cheveux rouges qui caresse les coeurs assombris. Contaminons les hommes dans un sourire.
Un murmure, l'entendez-vous? Il résonne dans la cage thoracique du monde. Un baiser, le sentez-vous? Il est l'haleine de ces rêves d'enfants qui sont nos promesses d'autrefois. Jamais tenues. A ne jamais tenir.
Phare allumé sur le brisant des vagues, sourire de vieillard édenté sur la crête de l'avenir. Si nous savions la vallée au-delà... Déception, nous guetterais-tu? Tu es l'informe, le noir que nous n'avons pas encore aimé. Nous y planterons des germes de fantaisie.
Grands jardiniers de l'espoir, soyez lumineux et créatifs. Soyez heureux dans un monde heureux. Réveillez les utopistes qui sommeillent.
(En nous)

Je suis heureuse. C'est si simple à dire, ça vous tombe de la bouche avant que vous ayez pu le retenir. Comme une évidence.