vendredi 11 avril 2008

Scènes de la vie nocturne: Sayïn


Sayïn marche dans la rue, sous les érables détrempés. Un coup d'oeil à droite. Pas une voiture sur la route. Un chat noir qui traverse à côté de lui. Toute élégance. Le félin saute sur le muret du Commissariat. Son pelage d'ombre s'argente sous la lune. Zébré. Ses yeux luisent, comme le métal d'une lame qu'on a frotté trop longtemps et qui trépigne de servir. Baptême du sang. Les gyrophares, au loin. Les hurlements d'un garce, l'hypocrisie qui ricane devant la galère du monde.

Il se plaque contre le mur. A l'abri de la prison, tout est calme. On a laissé la liberté dehors; elle ne gêne plus. On n'est plus serré aux coudes. Même plus besoin de bouger les bras. Même plus envie.

La sirène s'éloigne, gobée par l'obscurité poisseuse. Nuit d'orage. Sayïn lève la tête, sent les gouttes qui approchent. Comme une promesse. Laver toute cette crasse.

Un pas devant l'autre. Il quitte en boitant la muraille sombre et les barreaux, aux fenêtres, rayent la nuit comme un pyjama. Si le monde entier pouvait dormir comme un enfant, suçant son pouce... Il n'aurait pas les yeux ouverts en permanence, à regarder le naufrage.

Crissement. La langue sèche des pneus râpe le bitume mouillé. Coup de pédale, coup de volant. Précision, comme un tir de fléchette. Les phares sont éteints; règle du jeu oblige. Sayïn se retourne trop tard, mais il sait déjà. Une vague d'obscurité qui le broie. Soupir. Stop.


Aucun commentaire: