vendredi 12 mars 2010

Au pays des

Boum-boum-boum. Des saccades, du bruit, tapissent un fond de cave quelconque. Des passantes penchées et craintives contournent le lieu. Je fume un énième cigare sur le seuil voilé d'ombre d'une baraque en ruines ; et mon existence s'échevèle, translucide, auprès des grands lampadaires blafards.

Je vois des cubes montés les uns sur les autres, où percent des fenêtres, où personne ne se penche. Comme un décor, carton, pâte, pierre, éboulés par endroits, s'épaulent ailleurs. Des pans de murs penchent, que l'œil veut redresser. Mais il faut croire qu'il existe encore, dans ce bordel, quelque chose d'architectural, de voulu. Il faut croire que quelqu'un a dessiné ces lignes, et puis la succession de tuiles qui cavalent là-bas, en troupeaux grossiers. Sinon, il se pourrait bien que cette ville ne soit qu'une gigantesque farce.
Un essai, défiguré, relégué au placard des ratures.

Je me sens esquissée.

Des voix appellent, en bas, dans la cave. Échos vagues, dont les marées d'alcool perdent leur force hors des ghettos. Déjà, sur le pas de la porte, leurs embruns sales disparaissent, non pas lavés par le froid, mais ralentis, puis arrêtés. Ils tombent au pied du veilleur.
Je tords mon cigare contre la brise, cherchant à préserver une futilité parmi d'autres futilités - une flamme contre la brise.
Ma tête, heurtée contre un trottoir l'un de ces soirs identiques, me fait mal, tourne à droite et à gauche pour fixer ses yeux mouillés sur l'ombre d'un immeuble, ou l'éclat d'un panneau publicitaire. Je la laisse faire. Mes jambes, aussi, tremblent un peu.
Rien qu'un soupçon de dégoût qui s'ébroue.

Des bouffées hargneuses trouent le soir jaune. Fumée en boule, prête à éclore. Des pointillés parcourent le ventre mou du ciel. Quelque grand ciseau s'apprête à lacérer sa face.

Je rentre, une main ballante au côté. La tête vide, au pays des hontes de fées.

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