samedi 20 février 2010

Anwyhere out of the world

Il ne vient plus personne dans le vieux salon. Et même si la porte, quelquefois, par curiosité s'entrouvre, si les rideaux ne sont pas entièrement tirés, personne ne relève jamais l'invitation à pénétrer dans ce lieu d'antan. Des couvertures tachées de vin, jetées dans un coin, rappellent d'anciens festins bavards, près de la cheminée, sous le clair de lune. Les fenêtres résonnent encore, lorsque le vent chuchote près des carreaux, de notes criardes, fantômes de chants paillards tirés de gosiers trop désaltérés.
Mais il y eut des dames, dans ce salon. Des crinolines et des volants de couleurs vives, des éventails oubliés sur les tables basses, la saveur d'un thé âcre qui reste en bouche... Les dossiers qui s'affaissent désormais gardent l'imperceptible trace d'un dos droit et fragile, à peine appuyé sur la tapisserie du fauteuil, prolongé par un cou gracieux. Des moutons de poussière cachent dans leur duvet de vieilles épingles à cheveux, rouillées, tombées de hauts chignons.
Il plane dans cette chambre le parfum suffocant des vieilleries, leur nauséeuse présence ; avec, malgré tout, de subits accès de fraîcheur qui vous serrent la poitrine au passage des courants d'air. Le balancement du soulier, hésitant, sur les lattes, déclenche des grincements mauvais, comme des rhumatismes, qui figent le talon là où il s'est posé. C'est à nouveau le silence en murmures qui noie tout le décor.
Le tendre chuchotis des fantômes fredonnant.

5 commentaires:

Tsum a dit…

Plus personne ? Vraiment ...?

Eunostos a dit…

J'aime beaucoup. Vraiment, tu n'as aucun souci à te faire sur ton "inspiration", tu es loin d'avoir perdu la main. J'aime beaucoup ta façon d'évoquer des scènes absentes en partant des objets (tu l'as déjà fait ailleurs, mais c'est rendu particulièrement "intense" ici par la brièveté et la densité de l'ensemble), et la façon dont tout le texte tend vers la belle dernière phrase.

Lineyl a dit…

Merci à vous deux, vos présences sur ce blog me font chaud au coeur. Et, promis Alex, je vais allez zieuter sur le tien... Il me semble qu'un petit dernier a rejoint la longue cohorte de tes posts !

Anonyme a dit…

Un petit fragment de boudoir mort très bien écrit!
Ne désespérez jamais, l'inspiration est comme l'amour, à un genre et des petits détails près : "tu crois le tenir, il t'évite, tu crois l'éviter : il te tient.". Elle a beau nous rendre la vie difficile parfois, nous compliquer la tâche avec des faux semblants, du ridicule (le doute), de la prétention qu'on désespère de ne pas être une pure parole. Un épuisant jeu de cache-cache. Nous croyons avoir tout ce qu'il nous faut, puissants et isolés; faibles, nous croyons avoir tout eu, ne voyons plus que l'air et la douce et déprimante épaisseur des choses.
L'imperfection des mots, de nos sens, sa tromperie à elle, qu'on appelle cela comme on voudra, elle n'est jamais qu'une excuse, un mot espiègle qui dévoile comme en un sourire une "simple indication" :grandir toujours, sans relâche.

karine a dit…

Hasard ou pas j'avais intitulé un post du même nom, Paris Beyrouth il y a des résonnances!!