vendredi 12 octobre 2012

À une heure du matin

(Citypark by mara-mara, deviantart.com)

Des traces de musique triste sommeillent en flaques au creux des fenêtres ; des mélancolies adolescentes, réminiscences d'un spleen séculaire, rôdent en meute sur les pelouses mouillées, s'accrochent aux branches basses avant de céder à la chute. Quelques écureuils, encore, rongent une écorce sale, jouent dans les feuilles avec de brusques sauts.
Le soleil n'est plus.
On voit gris.

L'ombre, volatile et frileuse, palpite sur le campus, sourde d'une vague tension - celle des vendredis soirs. L'heure est pleine de promesses, chargée d'attente, emplie d'espoirs, lourde de désillusions. Il y a des silhouettes qui se croisent au-delà du chemin, levant la tête pour se dévisager sans bruit avant de reprendre leur danse, différemment, imperceptiblement, dans la longue valse étranglée des êtres au crépuscule.

Je pense à lui.
J'enchevêtre à quelques mots renaissants, poussés hors de moi par ce lieu, par ces gens, cette liberté, quelques fantasmes innocents noyés dans un sourire.
Sur le clavier, mes doigts s'attardent, comme s'ils retrouvaient avec émotion un refuge oublié.

Tout s'assoupit un moment. On se prépare au rush nocturne.
Un rêve encore me hante que Baudelaire nous dévoile. Accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise...

A une heure du matin, je le sais, les rires et les gestes, les corps et les esprits se mêleront, assouplis, dans un monde plus courbe, aux repères renversés, à géométrie variable. Les secondes graveront, sur l'ardoise des vies, des joies nouvelles, appelés à rejoindre la masse des souvenirs pour y raviver l'étincelle des moments heureux.
Mais je sais qu'il y aura, dans l'encre de la nuit, des lucioles éteintes pour nous serrer la gorge - pour mêler à cette insouciance volage l'amertume voilée de la séparation.

Irrémédiable altérité.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Belle bribe de soirée estudiantine, troublée et nostalgique... merci pour ce texte, c'est toujours un plaisir de te lire.
... Mais j'espère que la suite de la soirée a été agréable quand même :-)
Bises !