Il était revenu et, avec lui, l'odeur, la chaleur, l'éclat vert des
iris et le pli des joues au sourire. Tout ce qui était connu, déjà,
aimé, mais lourd aussi du souvenir des cris, des pleurs et des
souffrances, avait fait retour par la porte. Au-dehors, hors des
fenêtres, les arbres desséchés offraient un feuillage brun, d'autres
résistaient encore d'un vert fébrile, exagéré et qui virait au jaune aux
extrémités, ou s'affadissant en un blanc gris de buissons d'école. Les
branches, quelles qu'elles soient, faisaient combat de leurs nuances
défaites contre l'été brûlant et sec. Au dedans, en dedans des fenêtres,
deux vies se défaisaient aussi, hésitant à se refaire mutuellement
ancrage, à rebâtir une appartenance commune. Elles se jaugeaient au
toucher, au souffle, pesant les silences plus que les mots. Il était là,
dans son espace ; elle était là aussi, dans son espace. Et ces espaces,
identiques en même qu'irrésolument disjoints, depuis l'éclat, celui qui
avait tout terminé, étaient comme deux réalités contradictoires, un
paradoxe de Schrödinger ramené aux dimensions médiocres d'une location 3
pièces donnant sur un parking et quelques rangées d'arbres. Le
crissement heurté du RER y jetait une musique infime mais certaine,
garantie. Rien d'autre, dans ces pièces encore mal aménagées, n'était
aussi sûr, et sûrement pas la nature de leurs rapports dans cet espace
récemment apprivoisé, entre ces meubles anciens réinventés par leur
arrachement aux lieux passés et ces meubles nouveaux sans passif mais
promis à un amour prochain, sans doute rapide, mais qu'elle voulait
réduire à de raisonnables proportions. S'attacher mesurément. Se laisser
libre, suffisamment, des objets et de leurs contraintes, de leur poids
matériel et psychique. Se laisse libre des matériaux, vivre, malgré la
matière, ou même contre elle, quand elle devenait impérieuse – exigeant
de ranger, de nettoyer, de réparer, de prendre en charge. Lui aussi,
d'une certaine manière, était devenue cette charge. Mais son retour au
lieu, son retour à lui dans cette sphère gravitationnelle qui était la
sienne – non qu'elle lui appartienne par quelque maîtrise, mais parce
qu'elle y était soumise –, elle en craignait les perturbations liées,
les secousses et comme de dangereuses répercussions. Elle aurait voulu
figer l'existant dans une stase perpétuelle et se prémunir contre toute
action – action, acte, tout ce qui propulsait le présent vers l'avenir,
tout ce par quoi l'avenir brutalisait le présent. Alors elle battait en
retrait et arrangeait, soigneusement, et sans égards pour lui, la
délicate et peureuse glaciation du monde.
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