vendredi 8 mai 2009

Blind

C'est pour continuer qu'on fait tout ça, tu comprends ?

Sinon, il suffirait de s'asseoir au bord de la route et de regarder passer les bagnoles. On n'aurait plus besoin de se concentrer, plus besoin de visualiser la cible. On pourrait simplement balayer du regard le faisceau tourbillonnant du métal, heurter nos genoux l'un contre l'autre, sans plus sentir le froid, l'odeur d'essence et le bitume sous nos pieds.

Mais non, ce n'est pas cela. On s'acharne à vouloir monter, à reprendre la route. On aime malgré nous le mouvement, les cahots du destins, les virages et les chutes. Pourquoi ferais-je tout ça si je ne voulais pas m'en prendre encore plein la gueule ? Alors il faut que tu comprennes. Que tu vois que je me jette à l'eau. Il faut que quelqu'un sache que je bois la tasse. Sinon j'arrêterai de traîner sur les plages.

Les trois coups de l'aurore frappent à ma fenêtre, c'est le carillon du matin. Et dans ma tête baille à grand bruit la lassitude. L'impression de tout connaître, et d'avoir trop vieilli. Le sentiment de placer mes pas dans ceux de tant d'autres et de suivre mes propres traces indéfiniment.

Alors si tu ne lèves pas les yeux de tes errances pour voir enfin les miennes, si après toutes mes contorsions je ne peux toujours rien distinguer au-delà du rêve et de l'espoir, peut-être balancerai-je tout en boule, dans un coin - les fringues, les baskets, les envies, les souvenirs. Je me froisserai pour qu'on ne me reconnaisse plus.

Et surtout, j'arrêterai de bouger. Immobile sur le fond immobile de l'existence. Tu ne me verras plus.
Je ne verrai plus dans tes yeux que tu ne me vois pas.

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