lundi 25 mai 2009

Mots et merveilles


"Ce serait plus simple si je n'avais rien dit."

Rien dit, rien dit, rien dit... Mais à répéter ces mots dans ta tête, Nathan, tu ne changeras rien. Tu crois qu'avec tes petites phrases et tes répétitions à deux balles, tu peux gommer ce qui a fait mal, ce qui s'est enfoncé dans les autres, à cause de toi ? Finalement, c'est encore toi que ça gêne le plus, tous ces non-dits et ces regards froissés. Bah oui, faut qu'on s'évite. Qu'on évite de se heurter, ça tu le sais, Nathan.

Alors arrête de ressasser, tu l'as faite, ta boulette. Ne sois pas stupide au point de croire que tes mots n'ont fait que passer, effleurer. Ça arrache la peau, des trucs comme ça, ça vous érafle l'âme, tout au fond. C'est pas difficile à comprendre. Tu voulais qu'elle s'en aille, sans rien dire ? Qu'elle garde ses larmes pour plus tard, sur l'oreiller ? Oh mais rassure-toi, il y en aura assez, des petites gouttes de cristal, pleines d'amertume et de désespoir. Il y en aura toujours. Alors il faudra bien que tu supportes celles-là, qui ne sont que pour toi. Tu lui dois bien ça. Rappelle-toi, si tu n'avais rien dit... Oui mais voilà. Tu n'as pas su te tenir.

Alors maintenant, relève la tête, décroche-moi cette main de ton menton, et fixe ses yeux tout bleus. Oui, là, derrière les cils, derrière les paupières qui tremblent, derrière les larmes qui brouillent tout ; c'est ton fardeau, ces grands yeux tout tristes, qui bredouillent un peu, qui se savent plus rien dire si ce n'est: Regarde... REGARDE ! Regarde comme ça fait mal, et comme je voudrais te haïr.

Hum, ah oui. Oui, c'est difficile. Mais ne t'en fais pas, tout finit par passer. On lavera tout ça vite fait bien fait, à grandes giclées de haine et d'espoir. On fera tout disparaître dans la marmite des illusions et des résolutions. Il suffit de bien mélanger, et l'on n'y reconnaîtra plus rien. Après quelques semaines, les lentes métamorphoses auront défiguré tout ça.
Elle continuera à chercher, mais ne saura plus pourquoi elle vient fouiner. Et toi, alors toi... t'auras la tête en l'air. D'ailleurs tu ne te souviendras plus de rien (ou tu ne voudras pas te souvenir). Quoi qu'il en soit, tu manieras le j'me-foutisme avec un humour fort à propos -- et détestablement drôle.

Tout aura l'air d'aller bien in the best possible world. Et peut-être, oui, peut-être qu'alors ce sera comme si tu n'avais rien dit. Hum, je frissonne déjà à l'idée de toute cette naïve innocence faite de bric et de broc, rapportée d'on ne sait où, ne sachant pas où se mettre, et ayant la bonne idée de croire qu'elle l'emportera sur la rancoeur et le souvenir. Bah, ça pétera un jour ou l'autre. J'attends de voir ça, aux premières loges.

Alors, voilà, Nathan. Tu croyais quoi ?! Tu me trouve dure ? Tu crois que j'en rajoute ? Peut-être. Mais ce serait t'épargner que de dire autre chose. Mes mots aussi, à moi, ils ont le droit de retentir. Même si plus tard, je pense : " Ce serait plus simple si je n'avais rien dit ". Moi aussi je veux pouvoir gueuler à m'en péter les cordes vocales.
Nous en paierons le prix plus tard.

Noyons-nous sous des déferlements de mots. Il n'y en a jamais assez. C'est vrai que nous pourrions faire des ravages. Nous avons assez de haine au coeur, toi et moi. Assez de choses à laisser sortir, assez d'horreurs à déballer. Quand bien même il nous en manquerait, ce n'est pas l'imagination qui manque.
Oh comme toute cette mauvaise foi m'apporte une nouvelle jeunesse ! J'aperçois encore ta victime, Nathan, au bord de la route. Je distingue au loin ses grands yeux bleus frangés de noir, qui palpitent de peur et de colère. Mais le tout est d'un mou désespérant.

Alors il est sûr que je ne la plaindrai plus. Tiens, je te vois partir avec une autre conquête sous le bras. Doucement, la main dans le bas du dos, cher et téméraire partenaire ! Nous ne tiendrons pas nos langues, cela va de soi, mais nous aurons la classe, crois-moi. Gambadons dans la monotonie et foulons aux pieds les "comme il faut". Ce sera tellement plus drôle. Heurtons-nous les uns les autres.

Et lorsqu'à nouveau tu te tourneras vers moi, vers mes grands yeux bleus et tremblants, pour laisser partir ces mots, Nathan, qu'on n'aurait pas dû dire, peut-être que je serai faible à nouveau.
Mais j'ai bon espoir qu'à la fin de nos cycles infernaux, coincés dans la fournaise de la hargne et du désir, je puisse un jour répondre. Et de mes lèvres méprisantes, t'étouffer sous la masse de mes injures. Tout en délicatesse, s'entend.

Ça va être bien. Ça va être très bien.
Crois-moi. We will have so much fun...

(pix: endoking, flickr)

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