mardi 25 février 2014

Amour des profondeurs


Traces de ton passage dans mon corps ; signes de toi traversant mon monde. Des débris de moi, partout, un entrelacs de fragments épars retenus au rets de ton absence. Mes blessures délaissées, flottant entre deux eaux – mes pleurs mes haines ta sueur sur mon ventre.

J’ai capitulé, tout lâché pour me dissoudre sans prendre le temps – en évitant soigneusement de prendre le temps – de me demander pourquoi tu m’avais laissé pour tout cadeau d’adieu ce goût de mort, cette envie d’effacement, cette poussée intime vers ton ancre, cette plongée secrète vers la douleur. J’ai entrepris mon immersion glaçante, lourde de mes rages, brûlée de mes feux noirs, gris et pourpres, mes froids désespoirs ; je suis tombée amoureuse des profondeurs.

Pas – plus – besoin de savoir pourquoi ton corps, ton odeur, ton poids sur ma peau, ta douce présence blessante m’ont empreinte de cette fascination morbide que je connais, je l’ai vu éclore dans tes yeux, dans tes cernes et tes lèvres tristes.

Tu m’as légué le besoin de couler, l’amour suicidaire des abîmes.

Je m’y suis jetée, écorchée, disloquée en éclaboussures de toi.

Traces de ton passage dans mon monde, innombrables stigmates sur mon être. Je sens ta marque en chaque éclat de mon miroir brisé, qui tire, qui troue, qui pèse et m’indique le fond.

Dans ma chute quasi aquatique, je croise des images, des souvenirs en nids, j’en arrache des brindilles, je m’acharne sur ces filaments de mémoire où dorment mes plus grandes tristesses. Ils sont à moi, mais comme gommés, grimés par ma détresse ; uniformément douloureux, ils me percent d’une nostalgie poignante, me nimbent de leur aura mélancolique, m’enivrent, me nourrissent.

Je brasse ces malheurs passés, ravive de vieilles blessures oubliées pour bercer calmement ma défaite, aimer ma noire descente, me jouer juste encore un peu des profondeurs en courant plus vite vers mon gouffre d’angoisse, que j’ai trop attendu.

Et que j’atteins.




Je m’éteins.


1 commentaire:

Eunostos a dit…

Teufel... là c'est une spécialité de Lineyl : la fiction traumatique et quasi traumatisante elle-même, bien noire, bien glauque... Brrr. C'est moins nouveau mais dans le genre, tu n'as pas émoussé ton scalpel à bubons-cauchemars...
(Le pire étant que je me sens mieux en position qu'il y a quelques années de comprendre qu'on puisse vouloir/avoir besoin d'écrire ce genre de textes. Je ne sais pas trop si c'est une bonne chose ou non ! ':-p)