vendredi 14 novembre 2008

Renaissance


J'ai fait un pas. Puis un autre. Encore un autre. Et puis encore... Moi qui suis restée assise toute ma vie, je me suis levée ce matin avec le poids du monde sur les épaules, avec l'amour mal dégluti, en boule dans la gorge, et l'espoir coulant, rouge sombre, de mes lèvres entrouvertes où soufflait une folie, celle de revivre.

J'ai souri. Une fois. Une deuxième. Plus longtemps. A nouveau. J'ai vécu mon recommencement sous la bruine lugubre, y trouvant l'opaque clarté qui promettait tout, sans rien dire. Ma main a frôlé les murs de ma prison, de l'extérieur. Hors des cellules où je m'étais bercée au son des chaînes et des certitudes. J'ai déchiré mon corps peureux et résigné; sous le regard de l'autre, dans le miroir, je me suis dévêtue. En silence.
Tout est tombé à terre.

J'ai vu quelqu'un. Puis quelqu'un d'autre. Et encore un. Encore la cambrure d'un dos pressé par l'heure tardive. Personne ne s'arrêtait à mon passage; mes yeux filaient plus haut que la houle des vies semblables. Moi qui n'avais plus regardé le ciel depuis toi, je suis devenue voûte céleste, arquée sur nos destins, car j'ai tout englobé. Tout. D'une impression, d'une foi entière.

Souffle. Inspiration. La bouche invite, le corps se vide. Toujours. Sans cesse. Ma poitrine s'est heurtée à la violence des bonheurs et des désespoirs, ceux des gens, qu'ils dissimulent, et qu'on ne veut pas voir. Mes bras lésés de vraie douleur se sont tendus aux blessures d'un autre. Autre que toi. J'avais envie d'être cette femme qu'on peut rendre triste, parce qu'elle ne l'est pas déjà. Envie de sentir nouées sur mon ventre d'autres mains que les miennes. Envie d'abîmer ce qui était devenu lisse, dès lors que j'avais renoncé.

Porte. Les ongles crissent sur la poignée. L'autre muraille, percée de portes. Et l'ongle crisse sur la poignée. J'avance, bousculant les choses sages, refusant leur agencement. Je mets à nu l'horrible inexistence qui fut trop longtemps la mienne, je tombe le masque. Sans pudeur. Sans hâte. Les êtres libérés ont tout le temps pour eux. Je suis femme qui vient au monde dans un retour, hors des empreintes ordinaires; je suis la résignation qui ne s'est pas résignée.

J'ai dit un mot. Puis un autre. Encore un autre. Et puis encore... Rien ne s'est figé car rien ne faisait attention. Inconnues mes caresses à l'insensible, inconnues mes prières nouvelles, inconnues mes volontés renouées. L'aube bleue s'est bombée, accueillant mon sacrifice, celui de mon désespoir. J'ai dû perdre les sentiers noirs et glauques que j'aimais arpenter; j'ai fait le don de mes souffrances.

Ce matin, moi qui suis restée morte toute ma vie, j'ai connu ma renaissance.

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