samedi 13 décembre 2008

Somewhere only you know


Les deux fils blancs, enroulés sur eux-mêmes, s'agrippaient à son gilet sombre, et grimpaient jusqu'à l'écume noire de ses longs cheveux bouclés. La guitare, la batterie, et le déchirement de la voix trop rauque; celle du chanteur et la sienne, en même temps. Ses lèvres formaient des mots tronqués et silencieux, comme elle murmurait les paroles dont résonnaient sa tête et les rues du matin. Heureusement qu'elle vivait en musique.

Les écouteurs d'iPod nichés dans ses oreilles, elle avançait d'un bon pas, les mains dans ses poches parce qu'elle avait oublié ses gants.
A l'horizon, la pâle chaleur du jour achevait d'embrasser la courbe terrestre, et les lèvres de l'Aurore, se refermant, laissèrent échapper un premier soupir. Elle sourit, pensant qu'il était bizarre de comparer le lever de soleil à la naissance d'un baiser, et puis ne chercha pas plus loin. Puisqu'elle y avait pensé, c'était que ça pouvait valoir quelque chose. Elle se dit qu'elle aurait dû le noter quelque part; elle avait problablement son carnet quelque part sur elle, dans une poche ou une autre. Puis elle décida qu'elle s'en souviendrait. Si ce n'était pas totalement, du moins ce serait suffisant... pour quoi? une histoire, ou simplement un clin d'oeil un peu différent au monde, la tête penchée, pour voir les choses de biais.

Le trottoir lui en voulut de son insouciance; c'est que les gens qui marchent la tête en l'air ne regardent jamais leurs pieds (par définition...).
Elle trébucha sur la bordure, se rattrapant lourdement sur le bras d'un jeune homme en costume noir. Pardon, désolée, excusez-moi... Les trois formules y passèrent, les unes à la suite des autres, presque d'une seule traite; et comme elle n'en trouvait pas d'autres, elle fut sur le point de recommencer la ronde des excuses banales. L'inconnu lui sourit, gêné.
Je suppose qu'il lui dit que ce n'était pas grave, mettant si peu de conviction dans sa réponse qu'il en démentit aussitôt la sincérité. Il est possible qu'il chercha à se débarrasser de cette gamine aux joues rouges qui bafouillait et le regardait comme Dieu le père. Il faut reconnaître qu'il avait belle allure; aurais-je été à sa place à elle que je n'aurais pas non plus su passer, en coup de vent, impassible, auprès d'un visage aussi saisissant.

Elle resta sur place, suivit des yeux le costume noir qui tournait à droite. Peter Cincotti vint susurrer à son oreille des histoires de contes de fées (Cinderella beautiful, this song is for you...); elle prit cela pour un signe, et continua sa route, remplie d'une joie légère et mousseuse que le vent d'hiver venait soulever, comme du pollen, à la surface de sa peau. Sous son menton, à la sortie du col roulé, le carré clair du cou, blanc comme nacre, frissonnait, sûrement à cause du froid. Sûrement...

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