mardi 29 avril 2014

Ah, on la connaît bien, on est de vieilles amies elle et moi, des plombes qu'on se fréquente, entre deux clairs de lune bien glauques, à mâchonner nos crépuscules de déprimes et suffoquer sous nos chemises. Elle m'a dans la peau, la garce.
Alors aujourd'hui, quand elle se pointe again, je la salue à peine. Elle s'installe là, près de moi, me grimpe le long du ventre, m'arrache la gorge à coups légers de griffe, et vient peser sur ma poitrine, indélogeable. Je la regarde, on se toise. Je lui souris.
Je te connais.
On me la fait plus.
Je sais que tu vas rester là, à dormir sur mon corps, à imprégner ma peau, à noyer mes poumons sous tes coups violents et tes caresses maudites, je sais que tu vas me respirer à petit coups, des coups encore, coups de stress, coups de blues. Tu vas m'absorber dans ta profondeur sans fond, étroite, me coincer là dans tes bras maigres, m'étouffer de baisers décharnés et je vais chercher mon souffle, chercher l'air qui s'échappe de ma bouche, pour le retenir, te l'enlever.
Corps à corps intime, dans la pénombre des paupières closes, à s'enfouir sous le drap pour y être mieux, plus au calme, plus seules dans nos luttes éprouvantes. T'affronter seule, te présenter mes larmes, ma rage, mon désespoir ; jeter dans la balance toutes les raclures du cœur, celles qu'on décolle après la peine, dans les grandes blessures rouges quand elles palpitent encore, celles qu'on ose à peine regarder mais qu'on récolte quand il le faut, pour grossir le rang.
J'ai mon armée d'horreurs à t'opposer.
Mais rien ne te change, rien ne t'émeut. Et quoi que je fasse, je me débats en vain contre ta poigne indifférente, presque joyeuse, quand tu joues avec moi. Moi la souris, toi le chat.
Nous prédatrices. Je me love en toi, j'essaie de t'amadouer. T'utiliser. Pour me foutre de tout, des autres, du monde, pour me battre résignée, croire que je suis tombée là, au fond, et qu'enfin sous mes pieds c'est autre chose que la tourbe imprévisible des bordels ordinaires.
Ah, toi et moi, on se connaît trop : je sais que tu me refuseras même ça. 
Allez viens, je t'accueille dans mon ventre, dans ma chair, dans ma tête. Je t'offre l'espace de mon être, je t'offre mes mots, des phrases nouvelles, juste sorties du tombeau, pour grignoter tout, te nourrir de moi, me verser dans un malaise tes nausées familières.

Angoisse, viens mordre à ma poitrine trouée et me percer les tempes. 




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