mardi 8 avril 2014

Balade

La pièce est assoupie, les lumières sont écloses dans les rues tardives. Des vitres parvient l'éclat du soir tombé, l'odeur de nuit promise. Je rêve.

Je vois un homme, grand, flou, ténébreux, je le vois marcher dans une rue pavée, j'entends résonner ses bottes sur la pierre glacée, je suis nue, mouillée, nimbée par la brume collante d'une mauvaise lune. L'homme vole dans la ville, rase les murs, trouble de son silence noir la lueur froide jetée d'en haut sur le trottoir, haleine livide des réverbères. Traversée murmurante, urbaine, où chaque pas appelle l'écho des rues, où les souffles courts du promeneur répondent aux grincements de la ferraille, aux éclats fugitifs des phares, aux claquements des portes dans les intérieurs.
Je suis, espionne, la longue silhouette qui se faufile et déchire la trêve nocturne, habite la nuit. 
Jouissance intime, excitation secrète, nous habitons tous deux l'arborescence bruissante de la ville. Je t'observe.

Où vas-tu ?

Les rails, sur les toits, passent en éclatants rayons dans ton champ de vision, parcourus de tremblements magnétiques. Les trains fusent sans prévenir, trouent le ciel et serpentent une seconde, longilignes, souples animaux fuyants qui n'emmènent personne vers les zones abandonnées.
Ils sifflent à peine et tu ne les regardes pas, tu gardes la tête mi-baissée vers le pavé, tête folle auréolée de boucles, tête assombrie coeur ployant foi tombée dans le caniveau de Londres.

Elle attend, au bout du chemin, vigie trempée, lumière noyée, ses cheveux blonds des ors mouillés patinés par la pluie. Elle guette ta réponse. Silencieuse, étincelle jeune encore et perdue, et amoureuse, bien sûr.

Elle voit l'homme, grand, flou, ténébreux, qui s'avance vers elle, qui épouse la rue, vole sur les pavés vers elle et absorbe, dans sa présence profonde, la lueur de toute chose.

Tu la vois s'étioler dans l'attente, diluer son être cher dans les larmes du ciel en discernant tes pas, en distinguant ton corps désiré. Dans ses yeux nous voyons toi et moi le bonheur qui dessine ses éclats brutaux, la joie qui appelle la joie, nous discernons nos pas qui s'approchent d'elle, nous distinguons notre corps dans son regard.


Ce sont des retrouvailles que je rêve, des promesses d'amour tenues, retenues sous cette eau noire par deux corps réunis.


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