vendredi 10 avril 2009

Sémaphore


Alors quoi, tu baisses la tête?
Ces mots qui t'ont tant fait rêver, tu les renies? Mais que deviendront-ils sans toi?

Ne me dis pas que tu t'en fous, je sais que ce n'est pas vrai. Je sais que tu as peur de ce qu'ils te demandent. Il faut être sublime pour gambader avec eux sur les chemins de la vie. Mais tu peux garder l'éclat des croyances passagères, et joindre aux déceptions mille fois reconnues l'espoir qui se mêle de tout. Je célébrerai tes alliages.

Je me souviens, un soir, nous marchions côte à côte, comme souvent - les héros de tes rêves sont toujours plus beaux quand ils marchent, la tête haute, avec le crépuscule pour ceindre leurs fronts de flambeaux dorés. C'était il y a bien longtemps, nous marchions main dans la main, et déjà tu avais peur. Je pouvais sentir les frissons passer de ta paume moite à ma paume. Tu étais indécis, tes lèvres tendues dans une moue adorable adressaient des questions muettes à la campagne vide. Le sentier traversait les rangés d'épis gris. J'avais chanté pour toi quelques paroles qui me passaient par la tête, et tu les avais à peine entendues depuis le bord lointain où t'entraînaient tes pensées. Mais d'une certaine façon, je savais que tu ne m'oubliais pas.
Et quand j'aurais pu le croire et reléguer dans l'oubli mes voeux d'amour sans destinataire, alors ton front plein de douceur et les rides joyeuses embrassant tes paupières revenaient vers moi; ils étreignaient mes inquiétudes, les étouffaient avec tendresse. Mes pensées confuses se diluaient dans ta présence.

En ce temps-là, déjà, tu avais peur. Mais tu rêvais des mots si beaux... Ils n'étaient jamais à moi, tu ne les confiais qu'au papier. Pourtant parfois, quand tu avais le dos tourné, je savais où fouiller pour déterrer tes trésors. Les larmes aux yeux je mouillais le papier jaune en lisant. Je replaçais les feuilles au mauvais endroit, et tu ne disais rien.

Et maintenant, tu baisses la tête?
Ces mots qui t'ont tant fait rêvé, tu les renies? Mais que deviendront-ils sans toi?

J'entends déjà leurs pleurs d'exil. Je partage l'affliction des sans-patrie, et cogne aux portes de ton coeur pour que tu les laisses entrer, à nouveau. Avoue qu'il te manque, ce rythme brinquebalant, plein d'ingénuité et de fraicheur enfantine. Tu ne crois pas encore que tout soit perdu...
Moi non plus.
Il y a quelque chose à retrouver. Je frôle avec toi ce bord qui nous échappe - pour l'instant. Il suffit que tu serres la main qui passe, là, celle qui traîne toute seule. Je me débrouillerai pour que ce soit la mienne. Et l'extase du monde, que toi seul savais voir, nous la partagerons.

Alors, maintenant, relève la tête.
Ces mots qui t'ont tant fait rêvé, rappelle-les. Et ce qu'ils deviendront, tu en seras seul juge. Ils seront révélation sereine ou passion torturée, qu'importe. Dans ma bouche, ils auront toujours le goût inimitable de la joie.

Tes mots resteront mon murmure préfèré. Et dans chacun des miens, il y aura de l'amour.

2 commentaires:

Eunostos a dit…

Pas mal ! il y a quelques petits trucs bizarres (le "je célèbrerai tes alliages" où on a l'impression que son interlocuteur est un golem de fer ou quelque chose du genre ; et le "nous marchions côté à côté" au lieu de "côte à côte"), mais c'est toujours aussi bien !

Lineyl a dit…

Effectivement, les deux remarques que tu fais sont justifiées... "alliages" ne va pas, c'était l'idée de "métissages" que je voulais évoquer. Quand à "côté à côté", je n'ai pas bien dû me relire, parce que je voulais écrire (enfin je crois, lol) "côte à côte". Je corrige tout de suite.
En ce qui me concerne je ne suis pas trop convaincue par mon propre texte, mais bon. Quand on s'y remet, c'est toujours un peu rouillé je suppose.