dimanche 14 septembre 2008

Calliope


Rester "muet" devant la feuille blanche, c'est comme bloquer devant la fenêtre texte de blogger, après avoir cliqué avec conviction sur "Nouveau message"; ça fout la trouille, ça énerve et ça rassure. Après tout, la Providence n'a pas chargé la muse Inspiration de venir nous chatouiller la plante des pieds aujourd'hui... ça la regarde, à quoi bon se battre?

J'ai toujours défendu le "Quand on le sent pas, faut pas s'forcer". Proverbe d'une grande justesse, à vrai dire, mais bien mal servi par les êtres humains. On s'en sert trop souvent pour se cacher à soi-même et dissimuler aux yeux inquisiteurs d'autrui qu'on aime céder à la paresse, au découragement ou à la fatalité du médiocre. Qu'il est confortable de savoir que nous n'avons aucune prise sur les événements, même ceux qui nous touchent intimement! Quel bonheur de sentir à chaque respiration cette destinée, cette main divine ou d'un tout autre mysticisme, se glisser entre nos pensées et nos actes comme un bout de carton plié en deux entre le pied d'une table bancale et le sol vierge du lino! C'est une justification permanente à nos coups de blues colorés de mauvaise volonté. On s'y berce, on s'y plaît, on s'y installe.

Alors, oui. Oui c'est vrai certains d'entre nous font mieux, plus beau, plus grand, sublime, lorsqu'ils sont profondément malheureux, shootés, amoureux (ce qui est presque la même chose), heureux, cyniques... Comme beaucoup nous avons le sentiment que le modèle du poète maudit est celui de la plus grande pureté parce qu'il supprime l'interstice du carton séparant la table du parquet ciré, la révélation de son écriture poétique; parce qu'il refuse un tel obstacle et rétablit les lois de la gravité. Pourquoi élire Baudelaire et Rimbaud au rang des grands palpeurs de vérité? Parce qu'ils sont en connection directe et sublimibale avec cet "au-delà" auquel nous voulons croire, même quand nous nous le cachons? Parce que nous croyons qu'ils étaient voyants et que nous sommes aveugles?

Ces exemples nous laissent convaincus; il faut une certaine dose de spontanéité et de débordement interne pour bien écrire. Pour écrire-tout-court, aussi. Si cet ingrédient est absent de la recette complexe de nos états d'âmes quotidiens, nous rangeons le tablier. Le grand cuisinier dévoilera son talent une autre fois. Plus tard.

J'aime ce "plus tard". C'est douillet, certain et précis car irréel (et qu'on façonne le rêve bien plus facilement que la réalité). Hum... c'est la belle tentation d'un néant quotidien d'où naîtrait, comme par enchantement, un destin hors du commun. Comme si l'on pouvait gagner le 100 mètres sans jamais frôler la grille de départ du bout d'un seul orteil.

C'est un beau rêve, mais ce n'est pas assez.
Ce n'est pas vrai.

1 commentaire:

KhâlmarTsum a dit…

De toute façon, on ne se met à trouver l'inspiration que quand on n'a pas le temps pour ça. Alors patience :)...