lundi 23 juin 2008

Curse


Il raya d'un trait ce qu'il venait d'écrire. Ses mots étaient moches. Ses phrases étaient laides. Elles tremblotaient d'un reflet maladif, qui n'arrivait pas à naître. Il rêvait de sentiments purs, sans compromis, d'une vaste envolée sans halte, sans respiration, d'un élan tout du long maintenu. Or tous ses gestes étaient tronqués. Toute sa vie était un avortement sans fin.

Les papiers froissés encombraient le bureau. Il saisit sa plume entre deux doigts. Il haïssait son arc parfait, la blancheur immaculée et douce qui l'ornait. Froissant la matière pâle, il se surprit à vouloir la salir, la rendre difforme comme ce monde dans lequel il était forcé de vivre. Dehors il pleuvait toujours et des ombres grises rentraient hâtivement chez elles. Les rues étaient grises, les maisons semblaient des cubes mal taillés dans une roche friable.

Tout ce sur quoi il posait son regard témoignait d'une infinie médiocrité, d'une inutilité telle qu'il lui était insupportable de la contempler.

Il sut alors ce qu'il devait faire. Ses lèvres serrées blanchirent et s'ouvrirent brusquement pour laisser l'incantation venir à la vie. Ce fut la première fois que la Malédiction fut prononcée.

1 commentaire:

KhâlmarTsum a dit…

Moi mdame, moi mdame, j'ai des mots pour décrire:
Cuver
et Réapprendre à vivre (c'est dur; rappelle toi, la première fois que t'es née ! )