dimanche 12 octobre 2008

Nowhere


De la fatigue, de la fatigue, de la fatigue...
Comme souvent le soir, les orbites accrochés à la lueur blanche d'un écran, la certitude que le monde réel et ses cahots disparaîtront dans l'instant si je décide de faire autre chose, de prendre un bouquin, d'écouter Kamelot ou Rhapsody. Disparaîtront, happés par le sommeil où espoirs, énervements, douceur et absurdité viendront peupler mes songes de gens trop de fois vus, touchés, connus.

Que tirer de ces derniers jours? Pas grand chose, en même temps qu'une immensité de temps inerte, qui s'étire lentement, coagule parfois, rarement se précipite. Je me vis hors du temps, une partie de moi-même refuse de se plier aux graduations contraignantes du calendrier ou de l'emploi du temps. Malgré moi je flotte, je rêvasse. Je me perds ailleurs, dans des pensées qui ne sont pas nécessairement réconfortantes. Ni tristes non plus. Simplement évanescentes, ayant pour elles la beauté des créatures légères, insaisissables; la grâce des spectres éthérés, qui s'estompe dès qu'on croit la saisir.

Je m'abreuve d'images, de photos, de contacts humains. Autour de moi, des gens, sous toutes les formes: des coups de téléphone, des mails, des conversations msn ou facebook, des dîners collectifs... Du monde, tout autour de moi. Moi qui ne suis même pas en moi-même.
Pourtant ce serait simple de revenir dans ce corps si commun, ce serait peut-être rassurant, banal; comme réglé par les battements d'un métronome. Cela dispenserait de se poser des questions.

Y a-t-il eu quelque chose qui ait valu la peine qu'on vive cette semaine? Non qu'elle ait été décevante, pas du tout. Non, vraiment, quelque chose de lumineux qui perce le brouillard de nos allers-retours quotidiens? Oui, bien sûr, vous me direz... Cinéma au son d'une entêtante comptine, les parfums délicieux des scones qui cuisent au milieu de la nuit, le chocolat qui fond et coule sur les doigts des gourmands, et autres... Oui, d'accord.
Mais j'ai beau me baisser pour saisir ces instants, j'ai beau courber mon esprit pour qu'il les recueille et les considère, je ne les atteins pas. Ils sont déjà partis, errants, dans ma mémoire indifférente.

Il y a cette silhouette à laquelle on pense simplement parce que ça fait mal et qu'on aime se frotter à cette douce souffrance jusqu'à ce qu'elle ne laisse plus de tache sur notre petit coeur étriqué. Étriqué? Oui. Se renfermant sur ces petits bouts d'images, de souvenirs, les buvant jusqu'à plus soif, jusqu'à désintégration.
Il y a ce téléphone qu'on aime et qu'on haït, cette boîte mail qu'on voudrait faire disparaître quand on sent que les doigts, sur le clavier, s'y rendent sans cesse. Il y a cette conscience qu'on aimerait pouvoir gommer quand, par vagues, elle se rappelle à notre existence, nous renvoyant notre propre image, horrible. Il y a ces gens qui veulent vous aider sans savoir que vous êtes cloîtrés en vous-mêmes. Non pas tant parce que vous l'avez choisi que parce que telle est la condition de chacun de nous. Simplement, l'homme dans son quotidien cherche à briser ce cocon qui l'étouffe. C'est un peu ça qu'on appelle... communiquer. Alors on montre du doigt celui qui s'assoupit un instant dans sa propre solitude, certain qu'elle ne lui convient pas mais qu'il la préfère à cette fausse amabilité qu'on lui demande de partager. On le désigne, coupable.
C'est parce qu'on lui en veut de nous faire sentir à quel point nous sommes impuissants à le rendre heureux.

Quelques projets en préparation, qui perdent de leur réalité au fur et à mesure qu'on les considère. Peut-être l'inverse de ce qu'on croirait, et pourtant... Plus on retourne toute cette organisation dans les méandres de nos cervelles, plus nos entreprises s'usent, jusqu'à la corde, pour se briser d'épuisement à l'épreuve de nos volontés privées d'action.

Vous auriez sans doute souhaité quelque chose de gai. De franc, d'original. Plein d'esprit.
Et bien, vous avez eu le post du soir, grisé par la pollution et les idées parasites. Celui qui vacille avant de naître, puisqu'on ne sait même pas ce qu'il sera au moment où les mots se forment à l'écran.
Et cependant on a envie de conclure. Pas la peine de trouver la pointe ironique ou la formule-choc, non... Il suffirait du mot juste, celui qui goberait tout ça d'un coup, brillant d'évidence, lugubre de vérité.

Attente.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

"C'est parce qu'on lui en veut de nous faire sentir à quel point nous sommes impuissants à le rendre heureux."

C'est vrai...

Mais je te trouve parfois injuste avec ces petits riens de tous les jours qui servent justement à sortir de son cocon.

Lineyl a dit…

Ce que tu ne comprends pas, c'est que je ne dénie pas à ces "petits riens" leur valeur, ce merveilleux de tous les jours... Je dis simplement qu'ils n'ont parfois pas de pouvoir, pas de prise sur nous... sans que ce soit leur faute.
Oui, je les connais ces moments imperceptibles, je les ai souvent encensés. Mais il arrive que l'enchantement ne fonctionne plus.

KhâlmarTsum a dit…

Baudelaire, tu connais?

Je te recommande de méditer longuement sur la première phrase de Mon coeur mis à nu (son journal intime).

(ps: si tu lis ce message, c'est que tu es sur ton ordi au lieu d'errer dans Paris avec ton appareil photo à la recherche du cliché de Doisneau, l'un des plus beau jamais pris, et donc, c'est mal. Sors, patate.)

Anonyme a dit…

J'ai bien compris ce que tu voulais dire. Mais parfois, il suffit de se sentir ouvert à ces petits riens pour qu'ils aient prise sur nous. Quand on se ferme, c'est foutu, je parle d'expérience...

(ps : je me souviens bien du moment où tu m'as parlé de cette phrase, tsum :) )