lundi 26 janvier 2009

"En anatomie, la gorge est la partie du cou antérieure à la colonne vertébrale..." (Wiki)



Le crime est notre affaire...
Alors qu'une partie de mon esprit acquière une quasi-autonomie et cherche à provoquer l'inspiration, l'autre s'est figée, incapable d'aller plus loin, à la vue d'une gorge et de mots qui jaillissaient d'entre des dents monstrueuses, blanches et irrégulières. Vraiment, c'était horrible à voir, ces lèvres s'agitant frénétiquement pour former des paroles qui venaient me traquer, m'assaillir de toutes parts, et puis donner l'assaut final, au moment où le rouge me montait au joues.

Que me veut ce monde à me faire tant souffrir par les mots des autres? Mais je sais que souvent c'est moi qui me mets en position d'être touchée trop profondément par des bêtises, des vannes à peine inventées qu'elles sont déjà hors d'usage. Je n'ai à m'en prendre qu'à moi-même si les mots me terrifient, ceux qui ne sont pas à moi, ceux qui ne sont pas de moi, ceux pour lesquelles je n'ai pas la rassurante certitude de pouvoir les contenir, les calmer, comme on calme une bande d'enfants agités qui, s'ils étaient laissés libres de vaquer où bon leur semble, dévasteraient tout une maternelle.

Alors, parfois, quand ma conscience et ma volonté s'enfoncent dans les tréfonds d'une indifférence que je me force à feindre pour me protéger (mais cela est inutile), dans ces moments où je m'en veux de crier au loup à chaque infime secousse, j'ai des envies de meurtre qui me prennent à la gorge, des haines dont les effluves âcres me montent au visage et me font venir les larmes au yeux.
Le crime est notre affaire...
C'est ce menton blanc et cette gorge, en-dessous, tendue et secouée par les spasmes de la parole, qui m'attirent. Je me vois y planter, consciencieusement, avec une démarche presque médicale, une lame, qui serait fine et sans dentelures et qui, tout simplement, ferait taire le bruit des mots, leurs chuchotements mesquins et comploteurs. Oui, juste un instant détourner le flot, faire mourir les vibrations des phrases dans le jet sanglant qui fuse, et dessine un arc de cercle sans défaut avant de tomber à terre, à mes pieds.
Silencieux.

Ce ne serait plus de la violence, simplement l'aboutissement d'un geste qui aurait à coeur, ô noble projet, d'empêcher de nuire les pointes et piques qui sont les armes de nos conversations. Et encore, il y a pire... Les questions. Ces mots qui, par leur intonation montante, vous lancent un défi, celui de répondre sans vous empêtrer, sans vous vautrer sur le tapis taché de sang aux pieds de l'interlocuteur. Quel toupet, vraiment! Quelle incroyable audace ont ces questions imbues d'elles-mêmes, qui feignent d'ignorer tout le mal qu'elles vous font, c'est-à-dire le mal qu'elles vous donnent!

Alors, même si pour l'instant Thomas Lermand et sa destinée fluctuante de criminel sont encore à l'étude, les expériences quotidiennes m'offrent la possibilité d'imaginer les beautés d'un geste semant l'égorgement. Je pourrais créer un justicier venu d'ailleurs, un V revenu broyer les trachées impudentes, un oracle revenu fermer à tout jamais les bouches, pour qu'enfin nous puissions tous écouter le silence...
Nous repaître de ce silence qui souvent, quoiqu'on en dise, ne blesse pas, mais nous épargne, nous éloigne des mots quand nous commençons à les prendre pour des vérités transcendantes. Heureux l'acte sacrilège qui apporte la désillusion et fait tomber les masques menaçants dont se vêtent les phrases! Dans l'intervalle muet où nous nous trouverions alors, la vérité qui ne se dit jamais nous serait révélée.

Oh! Ce ne sont que réflexions tardives, et mes propres mots ne tombent-ils pas sous le joug de mon accusation? Je prends le risque qu'on m'égorge pour me faire taire, comme j'égorgerai encore, au plaisir de mes fantasmes, ceux qui, sans le vouloir sans doute, m'agressent de leurs murmures.

(pix: Blood on cloack, mohzart)

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