dimanche 25 janvier 2009

Une graine de vérité


Le crépuscule s'est fait fait la belle. Il a lancé ses longs crachats roses à la face du ciel, comme une bravade, et s'est tiré en douce, sans trop que je m'en aperçoive. Je suis occupée à brasser des souvenirs et des fantasmes, à les faire tournoyer dans l'air un peu froid de la chambre, pour qu'ils volent enfin de leurs propres ailes et s'élèvent par à-coups, lourdement, dans les hauteurs bleutées d'un ciel qui n'est plus qu'ombre aveuglante, de l'autre côté des vitres. C'est vrai, je ne distingue presque plus rien, rien que quelques griffures tordues, noires, noires, sur un fond déjà obscur. Ce sont les branches des arbres du jardin voisin.

J'imagine des choses qui n'ont jamais été, des bonheurs qui ne sont pas encore, des souvenirs que je voudrais garder, plus tard, si jamais la foi et l'espoir venaient à manquer. Je vis avec mes mondes virtuels, je grandis avec ces possibles qui se révèlent à chaque pas que je fais le long des chemins tortueux de l'existence, à chaque parole que je prononce, à chaque regard qui en croise un autre, à chaque sourire qui ne sert à rien et se donne juste le plaisir de naître. Si je me retournais à présent, je pourrais voir tout ce qu'il me plairait. Comme en dirigeant mes regards vers des réalités parallèles, souvent si proches de notre monde que je les confonds, je ferais advenir des instants de bonheur et des larmes apaisantes. Je pourrais inscrire dans cette chambre ton corps tout entier, ignorant de ma présence, et que j'admirerais...

Nous sommes dotés d'une puissance dont nous n'avons conscience, en laquelle nous n'avons pas assez foi, sur laquelle nous ne savons pas nous appuyer. Qui peut, sur cette petite planète bleue, jouer, comme nous, avec d'infinies créations? Qui peut décider, à notre façon, d'une étincelle de bonheur, d'un instant de fou rire, d'une parcelle de vérité? Qui peut se permettre d'avoir la tête aussi grosse que la caboche divine et, d'un vers, d'une succession de notes, d'un mouvement de bras, d'un coup de pinceau sur la toile, créer tant de beautés?

Il n'y a personne d'autre que moi dans cette pièce à moitié dénudée, où dans la bibliothèque les livres se serrent les uns contre les autres pour se réchauffer, où dans les placards les fringues sont rares et désespèrent de jamais plus être portées.
Il y a tout ce que je veux entre ces quatre murs. Il y a l'espace ouvert d'un horizon sans frontières, où je vous vois, vous, vos phrases trop souvent répétées, les intonations de vos rires, les démarches de vos silhouettes, où je respire l'odeur de lieux si longtemps fréquentés qu'ils me semblent bâtis à l'intérieur de moi, façonnant l'architecture de mon imagination, la structure de chacun de mes textes. L'horloge avance, les minutes peinent à se frayer une voie parmi toutes les chimères qui s'amoncellent dans mon espace-temps, dans le foisonnement de mes pensées.

Et s'il fallait choisir, parmi ces lignes mêlées confusément?


Dehors, le crépuscule s'est fait la belle. Oui, cela fait longtemps, déjà... Près de moi, ton souffle régulier bat la mesure de cette nuit somnolente et paresseuse. Je passe un doigt sur ta nuque dénudée, pour m'assurer que tu es bien là. Ici. Sur terre. Au creux de mes rêves. Au futur. Au passé. Décliné dans toutes les nuances du monde, ton visage ignorant de mes mots qui te cherchent.

C'est tant mieux. Ne m'aide pas à te trouver.


(pix: Dragon reflection by Ironshod, deviant)

1 commentaire:

KhâlmarTsum a dit…

j'aime bien tes graines de rêve-ité :)...