lundi 5 mai 2008

Le problème, avec le bonheur...


Le problème, avec le bonheur, c'est que ça ne se provoque pas.
Ça ne s'achète pas.
Ça ne s'attrape pas. A-t-on jamais soigné contre la grippe du bonheur?
Ça ne s'explique pas.

On l'espère, on l'attend, on l'imagine, on le façonne, on le fait grandir, petit à petit, dans un monde de fantasmes et de désirs frustrés. Ou alors on le chasse dans les moments de tous les jours et il devient apeuré.

Le problème, avec le bonheur, c'est que plus on essaie, moins on y arrive. C'est qu'on ne comprend pas. On sait qu'on peut être heureux avec rien, comme on peut être malheureux avec tout. On sait qu'il surgit sans prévenir, et qu'il disparaît avant qu'on ait pris garde. On attendait le refrain suivant; la chanson est finie (qui est le p'tit malin qui s'amuse avec la télécommande...?).

Le problème, avec le bonheur, c'est qu'on ne peut pas en parler aux autres, qu'on soit sur une rive ou sur l'autre. "Nan, désolé, c'était sympa la soirée, j'vous adore tous, mais... je sais pas, je ne suis pas heureuse" : ça passe aussi mal que "C'est fou comme je suis heureuse alors qu'on est dans une merde pas possible. Tu la vis bien, ta prépa?". On se contente de formules creuses, "je sais pas, je suis heureuse", et après ça on a tout dit et rien du tout.

Le problème, avec le bonheur, c'est qu'il a plusieurs visages, qu'il s'amuse à porter des masques et que bien souvent on se fout la gueule dans des vitres trop propres et qu'on embrasse des miroirs.

Le problème, avec le bonheur, c'est que quand on se force, on a des crampes aux mâchoires. Il n'y a que le sourire spontané qui puisse vous déformer la figure pendant si longtemps sans que vos mandibules ressemblent à celles de Schwarzenegger.
Le problème, avec le bonheur, c'est que quand on ne fait plus rien, de peur de le perdre, on s'arrête de marcher, et il disparaît avec le mouvement.

Le problème avec le bonheur, c'est qu'on doit bien avouer qu'on est paumé. C'est qu'on doit reconnaître qu'on subit. En même temps qu'on vit. Que ce n'est pas un placard plein de fringues qui fera briller le soleil dans nos yeux. Que même une main au bout de la nôtre, qui fait obstacle à l'insupportable solitude, ne stabilise rien. Que la fatigue de tout n'a rien à voir avec un manque de sommeil.

L'accomplissement de chacun dans sa fonction propre, le bonheur aristotélicien? Mais l'incertitude radicale? Problème problème, my dear... J'ai paumé mon télos, quelqu'un l'aurait-il vu?

Le problème, avec le bonheur, c'est qu'on ne sait pas où on va, qu'on voudrait le savoir (ou pas), mais qu'en ce qui concerne la météo de la vie, on a rarement fait pires météorologues que nous. Alors on se trimbale en permanence avec lunettes de soleil et parapluie.
Le problème, avec le bonheur, c'est qu'on est perpétuellement déconcerté.

Le problème, avec le bonheur, c'est celui des autres. C'est ce sourire qui n'est pas pour vous, ce baiser qui n'est pas pour vous. Même cette gifle qui n'est pas pour vous. C'est cette vie qui n'est pas pour vous.
Le problème, avec le bonheur, c'est le monde qui joue à colamaya, et vous qui tâtez les jours en essayant de reconnaître celui de votre grande réussite.

Le problème, avec le bonheur, c'est qu'on ne devrait pas chercher, mais qu'on ne peut pas s'empêcher. Ce sont nos tentatives avortées, nos mini-déprimes et nos soupirs grisâtres. Ce sont tous ces gestes que nous ne finissons pas.

Le problème, avec le bonheur, c'est tout ce grand froufrou de vie qui va avec, et qui forme un bordel innommable.

Après tout, le problème, avec le bonheur, c'est tout ce qui fait que c'est le bonheur.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

... t'as réussi à faire pleurer quatre BL d'un coup en moins de 5minutes. Félicitations

(nous sommes émues de la beauté de ton texte...)

Lineyl a dit…

ouah. ton commentaire m'a presque ému autant que vous semblez l'être.

Vous savez que vous êtes irrempaçables, malgré le fait qu'on se vive dessus depuis deux ans?

I miss you. Hopefully, this will not last.

Unknown a dit…

c'est aussi qu'on a en tete, par des chansons et des livres, une idee du bonheur avec un grand B, LE bonheur - et qu'on cherche sans savoir ce qu'on cherche.

Mais le petit bonheur, avec un b minuscule (mais là en l'occurence ce n'est pas la typologie qui compte), il peut se créer, se chercher et se trouver a chaque instant, simplement avec les cinq sens, vivre pleinement un instant, chaque sensation, chaque pensée, comme...une chance, je ne sais pas (bon, c'est niais, mais en gros c'est ça). ne pas regarder en avant mais etre ramassé dans la seconde, chaque seconde, pour ensuite avoir confiance et aucune peur dans les secondes qui suivront. A en avoir le coeur qui déborde.
De tout le bonheur disponible.





(étant honorée moultement de ton projet de notre lien bloggesque prochain, cela va sans dire)