vendredi 9 mai 2008

Message personnel


J'ai passé une après-midi merveilleuse. Et encore, ces mots ne suffisent pas, même s'ils sont déjà de trop. Revoir des gens comme si l'on s'était quitté hier, aborder les mêmes conversations, comme si le temps passé s'était fondu dans les parenthèses de nos vies désormais séparées.

Oui, c'est un message personnel. Comme j'en fais rarement. Mais comme il faut que j'en fasse, pour vous dire tout ce que vous me donnez sans même le savoir. Pour vous dire que celle qui écrit ces posts le fait grâce à vous.


Le Luco, tout verdoyant, guilleret, qui aguiche les étudiants en vacances (ou pas). Les pelouses qui suffoquent sous des montagnes de corps dénudés (ou pas). Les chaises verdâtres (tiens quand j'y pense elles ont la couleur de mes volets...), aux dossiers raides, solitaires ou en couple, qui invitent à la feignantise les pieds dont les orteils gigotent, trop heureux de respirer un peu d'air frais après l'enfermement tortionnaire de l'hiver.

Et des mots, des mots, dans des tourbillons de rires qui éclatent brusquement pour s'arrêter, brisés. Et une autre phrase qui sourit en mangeant nos mots. Des chuchotements, des crescendo où les notes sont répétées, accentuées, pour que le suspens puisse monter jusqu'au ciel bleu. Des regards, des médisances et les jupes qui se froissent dans l'herbe qui sent la terre. Les chaussures qui traînent et changent de propriétaires. Les bouches qui se déforment en tous sens, mimant l'effroi, l'étonnement, l'impatience, la curiosité, l'hilarité, la joie, le bonheur, l'émotion, le silence.

Des prénoms qui reviennent vivoter un instant. "Et une telle, qu'est-ce qu'elle devient?". Comme le pécheur, absent un instant de la berge où le soleil s'endort, qui revient tâter ses lignes et s'enquérir des carpes de l'étang. Des téléphones muets, dont on ne peut entendre les cordes vocales usées. Des victuailles qu'on enfourne dans des estomacs déjà lestés, pour mieux coller au sol.

Instants trop précieux pour qu'ils rejoignent la masse des souvenirs du quotidien qu'on abandonne, sur le bas-côté, dans le long chemin de la vie. D'ailleurs, je goûte en eux la certitude qu'ils me colleront pour toujours à la peau.

Rien n'a pour moi davantage la fraîcheur de l'espoir que ces discussions où l'on parle de ce qu'on a, et surtout de ce qu'on n'a pas. Où l'unique sujet de conversation autorisé est la déploration de la disparition d'une espèce non protégée, à savoir la gente masculine, sous nos latitudes. Où le fou-rire naît du ridicule qu'on expose sans crainte, sans vraiment coïncider avec lui. Où la langue se défait des inquiétudes du sens social car on sait qu'on échappe à tout jugement.


Et l'on repart le coeur léger et lourd. Lourd d'un au-revoir d'une durée inconnue. Léger d'une joie certaine et éternelle, d'une amitié trop simplement belle pour s'enrayer. Comme un souffle qu'avait terni la poussière et qui reprend sa profonde respiration, on regarde autrement. Non parce que les gens ont changé. Mais parce que nous avons changé.

Parce que nous avons changé pour devenir, plus que jamais, nous-mêmes.

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