mardi 6 mai 2008

What are you...talking about?


Au lieu de la jouer poète professionnel, et de balancer mes compositions dans un post un peu solennel, dont rien que l'image invite au mysticisme, pourquoi ne pas passer un bon coup de démaquillant?

Lineyl s'assied devant son ordinateur. Le curseur se déplace avec agilité. Internet Explorer. Hotmail. Encore des messages de Facebook et des pubs de MSN. Blog. Pas de commentaires. A peine un soupir. L'écrivain méconnu est un exemple d'acharnement et de résignation. Connexion, nouveau message. Pause. Les yeux se lèvent de l'écran, caressant distraitement les entassements de végétaux réduits en pâte à papier, sur le bureau. Carnets. Des feuilles de toutes formes et de toutes couleurs glissées dans un petit carnet bleu; et en dessous, formant une pile improbable, d'autres carnets. D'autres couleurs. Des tranches de vie à la Riutort. La main saisit ce magma débordant. Elle déplie une page verte, interroge les mots écrits au stylo bic.

Et comme on réfléchit quand même un peu avant de balancer nos phrases sur le Net, même si parfois ça ne se voit pas beaucoup...

Lecture, crayon en main. Réflexion. On change deux-trois mots. Et ça peut donner ça :



Silence perdu
Foules immobiles
Nos coeurs qui dorment
Respirent tous bas

A l'aube tourmente
Bercent nos rêves
Bleus et roses
Amers et sourds

Sages mirages
De l'horizon faussé
Des souffles meurent
Et renaissent mourants

Sourire perdu
Baiser effacé
Une buée sur ta vitre
Mensonge (à) froid. Sans aversion.

Rien que l'oubli
Qui se démène
Rien que nos peines
Et nos vies

Je bats
Tout bas
Sans gêne

Sourire involontaire
Au point du jour
Le rayon que l'aurore souffle
Indifférence

Sans avenir
Promesses
Le don d'un instant
Qui ne se sait pas

L'insouciance volatile
Qui fume
Je tremble

Nous choyons des mots qui furent
Fenêtre, vitre, miroir
Notre coeur l'optique d'un espoir

Sourire perdu
Engourdi
Envol nouveau loin des mémoires

Chance à saisir?
Battement léger. Respiration qui s'éveille
Sur le pavé des jours

Gagnent l'aurore nos vieux serments
S'ils aiment encore


Les doigts, nez à nez avec le clavier, hésitent. Encore quelques pages. Les mots en haut à droite, où l'inspiration a manqué, et ceux où elle a trop débordé. Des phrases orphelines, destinées à rester à jamais l'ombre d'un possible non réalisé.


Si je pouvais toucher ton coeur de mes lèvres, je te ferais aimer cet amour qui n'existe pas encore.


Il y a aussi des poèmes entiers, datés, tout propres, bien recopiés. Mais qui paraissent aujourd'hui sans âme. Des fantômes qui n'ont plus personne à hanter. Il y a les strophes, plutôt réussies, des débuts d'écriture. Et la suite qui ne colle pas.


Grande ombrelle
Elle a posé sa main sur la tête du monde
Souri à nos bêtises, chéri nos têtes blondes
Et rebelles

Elle a fleuri le sol où marchait ses pieds nus
Toute douceur, bel ange des temps disparus
Elle a ri. Tout l'éclat fragile de nos coeurs
S'est dressé, blanc et pur, au milieu de nos heurs.


Et dans ces gribouillages qui n'ont d'histoire que celle du coeur, on trouve des citations _ "So we see the fate of millions unborn hanging upon the tongue of one man - and in that awful moment, heaven was silent", et beaucoup de ratures. Il y a des questions sans réponses et des vérités postulant à l'universel, dans leurs habits de crayon étriqués.

Et dans d'autres carnets, il y a la même chose. Et dans ma tête, et dans vos têtes, il y a la même chose. Un adorable fouillis d'où l'ordre est banni.

Alors Lineyl a le choix. Elle s'apprête à taper un des poèmes qu'elle a jugés potables. Elle se résigne. Le curseur clignote toujours dans la fenêtre blanche. Il lui faut un début, puis tout ira sur sa lancée. Et l'idée surgit comme le tintement du micro-onde lorsque c'est cuit.

"Au lieu de la jouer professionnel..."

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup ce post. Vraiment :) Pour le poème, il faut que je le relise, mais j'ai plus de mal à accrocher que d'habitude, je dois avouer...

Lineyl a dit…

T'inquiètes, si tu n'aimes pas, après tout parfois je suis aussi parfois perplexe devant ce que j'écris. Et ce poème n'est pas mon préféré. alors si tu n'accroches pas, je peux comprendre. Réserve toi pour d'autres, éventuellement!

KhâlmarTsum a dit…

"So we see the fate of millions unborn hanging upon the tongue of one man - and in that awful moment, heaven was silent"

Après recherches poussées, je me dois de rectifier papy, bien qu'à contre coeur... La citation exacte (enfin celle de Jefferson, parce que là, on est tous d'accord, c'est la citation exacte de papy...): "Thus we see the fate of millions unborn hanging on the tongue of one man, and heaven was silent in that awful moment"...

Anonyme a dit…

Wahow.

Tu as le don d'écrire de superbes textes comme papy a le don de sortir les citations qu'on aime.

Lineyl a dit…

Merci à tous, et merci alex de corriger mes petites inexactitudes, au risque de "debunk the myth of" le plus papiesque des papys.