lundi 17 mars 2008

Let's write tonight


Ça y est, j'ai enfin décidé de me lancer, d'écrire une "histoire", i.e. quelque chose qui ressemble plus à "incipit + intrigue + dénouement + fin" qu'un poème (ou qu'un délire métaphysique à forte tendance narcissiquo-dépressive).

Et c'est comme si, brusquement, j'étais devenu Dieu, assise devant ma feuille blanche comme lui devant sa petite terre bleue, en train de me cramponner sur mon stylo comme si ça pouvait empêcher les idées de fuser à toute vitesse dans ma tête. Ça serait drôle de raconter la genèse en abandonnant le style guindé habituel...

"Au commencement Dieu créa les cieux et la terre (...). Dieu dit : "que la lumière soit!" et la lumière fut".

On ne nous dit pas tout! A mon avis, ça a du plutôt être : "Dieu s'accouda, l'air fatigué, à sa table de travail, où les brouillons épars, les feuilles raturées, et les tasses vides où la caféine avait tracé ses cercles noirs, s'entassaient. Il pleuvait dehors. Le vent soufflait. Et tout d'un coup, il sut. Il chercha fébrilement la feuille n° 35bis, qui faisait suite à un développement très intéressant sur la généalogie des singes d'Afrique équatoriale. Ses yeux parcoururent les quelques lignes griffonnées. Un sourire parut sur son visage, détendu. Il prit sa plume, la trempa dans l'encrier et écrivit posément, sur une belle feuille blanche : "Que la lumière soit". Dehors, sous la pluie grise, s'alluma le soleil comme un lampadaire un soir d'hiver.".

C'est que ce n'est pas de tout repos d'être créateur. Personnellement, j'ai simplement commencé à réfléchir à la première scène de ma future "saga" (ben quoi? un peu d'ambition ne fait pas de mal dans la vie!), qui réunissait bien peu d'éléments (vous jugerez par vous-même quand j'aurais eu assez de temps devant moi pour supporter les méandres incontrôlables de mon cerveau en ébullition au point de parvenir à écrire le mot du début). Eh bien même en essayant de me contrôler sur l'essentiel, je me suis retrouvée à retracer toute l'histoire de la petite planète inconnue, que je n'avais pas encore baptisée, et qui allait devoir abriter les fantasmes issus de mon imagination (trop?) fertile.

Dans ces cas-là, c'est comme si j'ouvrais une porte (et je ne l'ouvre, pour cette raison, pas souvent, je sais que sinon je risque de me noyer... d'ailleurs en ce moment je n'ai pas de beau maître nageur séduisant à proximité, mais ça c'est une autre histoire), et que...

"Dieu ouvrit la fenêtre. Les gouttes de pluie séchaient sur les carreaux, laissant des traînées blanches qui brillaient comme des larmes sur une joue rose. Une douce chaleur envahit la pièce. La lumière, dorée, dansait en poussières minuscules jusqu'à l'horizon dont les contours étant encore flous, fondus dans la nuée pluvieuse qui fuyait. Des images frappaient la surface de la conscience de Dieu, comme des êtres des profondeurs luttant pour gagner le monde des vivants, pour gagner ce monde qu'il sentait naître dans son esprit. C'était irrésistible, comme une vague qui le submergeait, au point qu'il ne voyait plus l'aurore, la première de toutes ces aurores futures auxquelles il venait de permettre d'exister... par où commencer? Angoisse? Plénitude? Fébrilité?

Il regagna son bureau, en grande hâte... La plume filait. Tout y passa : les ténèbres, le jour/la nuit, les eaux/la terre, les arbres... les animaux... Et l'homme. Ce ne fut pas sans ratés, et certaines espèces, qui n'avait même pas encore eu conscience d'arriver dans le monde restreint et bienheureux des créatures terriennes, disparurent sans laisser la moindre trace, rayées de l'histoire de ce monde par un trait de plume sur un parchemin rugueux.

Le paysage dehors avait changé. Un pré verdoyant s'étendait à perte de vue, comme une immense mer herbeuse, aussi splendide que cette journée (ou cette semaine? Dieu avait perdu la notion du temps) de création, aussi vaste, aussi mystérieuse, aussi grandiose.

Dieu sortit, passa le seuil et son regard majestueux frôla l'immensité vivante qui respirait devant lui, en lui. Il sourit.

Et il vit que cela était bon."

Si Dieu lui-même éprouvait les inquiétudes et les joies hystériques de tout écrivain, ça soulagerait?


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